lundi 19 novembre 2007

Manger au Japon

Le guide Michelin, qui note les hôtels et restaurants, propose pour la première fois un volume consacré au Japon. A la surprise de nombreux français, Tokyo compte maintenant plus de macarons, la récompense des grands restaurants, que Paris. L'auteur de ce blog n'a pas forcément, à son grand regret, les moyens de comparer les tables prestigieuses des deux villes, mais ce classement semble normal, tant les japonais mettent d'énergie et de créativité dans leur cuisine.
Tout commence à l'école primaire, où les enfants assistent à des cours de cuisine durant les « kateika 家庭科 ». Ils reçoivent les bases de la diététique, et apprennent ainsi à choisir une alimentation équilibrée et saine. Les chères têtes brunes savent ainsi que les carottes contiennent de la vitamine B, le wakame contient du calcium, qu’une alimentation variée est nécessaire. Des cours de cuisine simples sont également proposés aux enfants. Notre correspondant japonais se souvient ainsi avec émotion de son premier cours: des épinards sautés au beurre, ainsi que d’une délicieuse tempura (天ぷら), la friture locale. Les écoles sont toutes équipées de cuisines. Les cantines proposent également un déjeuner équilibrée respectant les règles de la diététique, et les enfants y ont obligation de tout manger : cela laisse quelques souvenir douloureux, mais contribue à former le goût.
Les adultes continuent à se passionner pour la cuisine, et il est rare d'allumer la télévision sans y trouver une émission qui présente des plats typiques, des produits rares, des recettes ou les 10 meilleurs restaurants d'un quartier. Cela tourne parfois à l’excès, et l’on hésite à ouvrir la télévision pendant une digestion difficile, de peur qu’un gros plan sur une superbe crevette frite empire encore les choses.
La cuisine japonaise est connue pour ses tables de "kaiseki", cuisine de cour raffinée, dont la note sera proche du prix d'une petite voiture, mais les grandes villes japonaises proposent une quantité de formules à ceux qui n'ont que quelques minutes et quelques euros en poche.
Les restaurants les moins onéreux proposent une cuisine autour du "Guy-don" ou "Guy-Meshi", bol de riz recouvert de boeuf sauté. La chaîne Matsuya propose ainsi un "Gyu-meshi" pour 350 Yens, soit environ 2.20€. Accompagné d'une salade et d'un oeuf, le "set" coûte 490 Yens, soit 2.90€ pour un repas complet. Il ne s'agit pas d'un plat à emporter mais à manger dans le restaurant, avec une place assiste au comptoir et de l'eau ou du thé à volonté. Les restaurants proposent en général une vingtaine de sièges, dans un décor fonctionnel où le plastique domine. Ces restaurants sont très répandus, Il y a ainsi 26 Matsuyas rien que dans l'arrondissement de Shinjuku à Tokyo. Les chaînes yoshinoya et sukiya proposent des menus équivalents.
La chaîne Otoya propose elle une cuisine plus élaborée dans un cadre agréable. Les plats sont servis à table. Le menu comprend des poissons, des plats de viande, des pâtes, et même des menus "santés" à base de Tofu. Ainsi, un menu composé d'un maquereau grillé, de soupe, de légumes et d'un bol de riz coûtera 640 Yens, soit 4€. Il y a 81 Otoya dans la ville de Tokyo.

En plus des grandes chaînes, il existe dans toutes les villes des restaurants originaux proposant pour un budget de 4 à 6€ (600 à 1000 Yens) une cuisine originale dans des décors parfois surprenants. Près de la gare de Yutenji, le restaurant Niagara propose ainsi un curry japonais (riz servi avec une sauce au curry, des légumes et de la viande). L'originalité du magasin est dans le décor, tout entier consacré au train. Les sièges sont ainsi des banquettes ferroviaires, et le plat arrive sur les wagons du train électrique qui relie la cuisine aux tables.


Il existe de nombreuses autres formules de restauration rapide à base de pâtes, telles que les udon (うどん), soba (そば) et Ramen (ラーメン), de nombreux menus basés sur ces produits sont proposés un peu partout.
L’inventivité s’applique aussi à l’importations de cuisines étrangères. De nombreuses boulangeries proposent ainsi, en plus de la classique baguette reproduite fidèlement, de nombreux pains fantaisie et viennoiseries dont certains n’existent qu’au Japon : le pain au Melon, le pain au curry, et le pain à l’anko (haricots rouges sucrés à la base de toutes les patisseries japonaises) . Le choix est plus important que dans une boulangerie française.

Les principes de la cuisine japonaise ont aussi beaucoup influencé la cuisine occidentale moderne. Ainsi, les plats mettent en valeur le produit servi. Le sashimi est probablement le plat de plus dépouillé : composé de poisson cru, dont les meilleurs morceaux sont découpés avec art, et se mangent avec de la sauce de soja et un peu de wasabi (moutarde japonaise verte). Un bon produit est capital, car son goût est le centre du repas. La présentation est toujours soignée, pour mettre en valeur le plat. Pour se faire une idée, le lecteur pourra se rendre à « Ryoku-san », un petit bar à sushi du centre de Tokyo. Si l’addition y est impressionante le soir, les menus de midis sont très raisonnable, et un assortiment de sushis coûtera de 1250 à 1600 Yens (8 à 10€). Si pour ce prix-là, on ne peut goûter les poissons les plus chers, le repas sera très agréable, et tous les ingrédients seront de qualité : le wasabi fraichement gratté, le riz bien aéré et encore tiède, le poisson frais, et les pièces de sushi disposées sur une élégante plaque en porcelaine. Le temps d’un déjeuner, bercés par la conversation agréable du chef, vous vous serez échappé de votre travail et de votre vie quotidienne pour quelques instants de bonheur gustatif.

Ryokusan (緑山) 〒105-0001 東京都港区虎ノ門3-11-15 SVAX TTビルB1F 03-3434-5669, Tokyo, Minato-Ku, Toranomon 3-11-15 SVAX TT Building B1F : ouvert pour le déjeuner de 11 :30 à 14 :30, fermé le samedi et dimanche . Accès : 2 minutes depuis la ligne Hibiya (日比谷線) du métro, station Kamiyacho (神谷町) sortie 3 : remonter vers le nord la grande avenue en direction de Toranomon, le restaurant est situé sur la quatrième rue à droite.
Naigara (ナイアガラ)  〒153-0052東京都目黒区祐天寺2丁目1-5 03-3710-7367 Tokyo, Meguro-Ku, Yutenji 2-1-5, ouvert tous les jours sauf le lundi, de 11 :00 à 20 :00. Accès : depuis Shibuya (渋谷), prendre un train local(普通) de la ligne Toyoko (東横線), et s’arrêter au troisième arrêt : 祐天寺. Après le portillon, prendre à droite, sortir de la gare, et rejoindre la rue au fond de la place à gauche. Le restaurant est à une vingtaine de mètres.

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dimanche 18 novembre 2007

Trois chiffres pour découvrir le Japon

Un écrit sur le Japon peut commencer par une carte postale. Une geisha, artiste traditionnelle, l’oreille collée à son téléphone portable. Ou encore le shinkansen, TGV japonais, passant devant le célèbre volcan « Fuji-san » avec des cerisiers en fleurs. Mais ces clichés représentent mal la réalité de l'archipel nippon. La Tour Eiffel n’est pas la France. Et surtout, la Tour Eiffel n’est pas importante pour la société française, à part pour les hôteliers parisiens qui profitent de sa notoriété et des touristes qu’elle attire.

Regardons plutôt une carte, et traçons, au départ de Paris et pour Tokyo, deux cercles de 1000 et 3000 kilomètres, centrées sur la ville. Voici dans les deux cas les contrées rencontrés :

  • moins de 1000 km de Tokyo: Corée du Sud, Russie (Sibérie)
  • moins de 1000 km de Paris: Irlande, Royaume Uni, Espagne, Portugal, Italie, Slovénie, Croatie, Autriche, République Tchèque, Allemagne, Pologne, Danemark, Belgique, Pays-Bas, Liechtenstein, Luxembourg
  • moins de 3000 km de Tokyo: Corée du Nord, Mongolie, Chine (continentale, Hong-Kong, Taiwan), Philippines, Mongolie, Saipan, Guam
  • moins de 3000 km de Paris: Norvège, Suède, Finlande, Islande, Açores, Maroc, Sahara Occidental, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Algérie, Tunisie, Libye, Malte, Tchad, Egypte, Soudan, Israël & Palestine, Arabie Saoudite, Jordanie, Syrie, Liban, Turquie, Grèce, Macédoine, Croatie, Serbie, Bosnie, Monténégro, Albanie, Géorgie, Russie, Ukraine, Moldavie, Roumanie, Bulgarie, Slovaquie, Hongrie, Biélorussie, Lituanie, Estonie, Lettonie
Au départ de Paris, un voyage de 3000 kilomètres mènera au Tchad, aux Açores, en Arabie Saoudite, en Russie, en Géorgie, en Islande, en Suède, ou dans une soixantaine d’ autres territoires à la culture très variée. Une dizaine de pays seulement sont à la même distance de Tokyo. La Chine est bien entendu le voisin principal, et seule la Corée du Sud, et la Sibérie russe sont réellement proches. Le faible choix de courtes vacances à l’étranger proposées par les agences de voyage japonaises est déprimant. il est difficile d’échapper à Guam, Saipan, Séoul, Pékin ou Hong-Kong, et les plus aventureux iront peut-être jusqu’aux Philippines. Cette isolation est plus importante que le manque de choix pour un week-end en amoureux. D’autant que le Japon est aussi un terminus, l’extrêmité nord-est de l’Asie habitable avant l'Océan Pacifique ou la Sibérie. Il n’a jamais ainsi été envahi avant l’occupation américaine de 1945, malgré une tentative mongole au XIIIè siècle. Avant l’époque moderne, les influences étrangères étaient limitées et essentiellement chinoises et coréennes.
Ces îles sont isolées, mais aussi surpeuplées. La surface du Japon est supérieure à celle de la moitié de la France. Mais des forêts et montagnes abruptes couvrent les deux tiers de l’archipel. Ses cent trente millions d'habitants doivent donc se loger, se nourrir et travailler sur un espace réduit. Le tableau suivant présente la densité de population, c'est à dire le nombre d'habitants par km² habitable, pour le Japon et ses plus grandes villes, comparées à l'occident.
Ainsi, en moyenne, le Japon (1200 habitants par kilomètre carré habitable) est légèrement plus peuplé que l’Ile de France (900), et beaucoup plus que la Suisse (364) ou la Belgique (407), des régions pourtant déjà très urbaines et denses. En comparaison, la France métropolitaine (159) et les Etats-Unis (41) sont un désert. Le Japon est donc un pays surpeuplé, où le terrain est un luxe. Un tel lieu doit être bien organisé pour rendre supportable cette promiscuité.

Pourtant, ses villes ne sont pas les plus bondées. Tokyo concentre 13000 habitants au kilomètre carré, c’est un peu plus que Lyon (10000), mais beaucoup moins que Paris (20000), ou Manhattan (26000). La hauteur des immeubles explique ces différences. Il est difficile de construire de grands immeubles dans un pays aux tremblements de terres fréquents. Les japonais préfèrent aussi souvent les maisons individuelles car, dans ce pays où une vieille maison est aussi dangereuse, seul le terrain est une valeur sûre. Plutôt qu'un appartement de dix étages entouré d'un jardin, le promeneur rencontre plus souvent une dizaines de maisons construites chacunes sur un terrain de 40 m2, en laissant 20 centimètres entre le mur de leur maison et celle du voisin.

Si l'espace manque incontestablement, Les comparaisons de niveau de vie avec l’Europe sont difficiles. Les japonais trouvent souvent que les français conduisent de vieilles voitures. Les occidentaux sont impressionnés par les vêtements de luxes vendus au Japon, mais trouvent les logements exigus et vétustes. Les chiffres des spécialistes donnent les résultats suivants:

Le Japon a un niveau de vie d’environ 20% inférieur à celui des pays les plus riches, comme la Suisse, Hong-Kong et les Etats-Unis. Par contre, la situation est comparable à celle de la France, ou de l’Allemagne. Ce n’est pas un pays pauvre et arriéré, comme le croient trop souvent les expatriés réfugiés dans le centre de Tokyo, grisés par leurs primes et leur appartement de fonction. Il n'est pas plus par contre ce miracle asiatique unique qui impressionne et fait peur, malgré quelques succès spectaculaires dont l'exemple est de plus en plus, faute d'autre choix, Toyota. Les raisons de ce demi-succès sont facile à trouver, depuis le terrain qui manque jusqu'à la géographie difficile qui transforme une autoroute en une succession coûteuse de ponts et de tunnels. Mais plus que cette fatalité, les étrangers de Tokyo vous parleront d'une certaine inefficacité japonaise, de la fermeture des distributeurs automatiques de billet le soir, des femmes surdiplômées qui arrêtent de travailler dès leur mariage, du préposé à la fermeture des portes de train, et des ouvriers employées à agiter à longueur de journée un petit drapeau devant des travaux. Tout ceci leur semblera terriblement arrièré jusqu'à ce qu'ils retournent dans leur propre pays, et que les petits défauts de leur patrie leur apparaîssent aussi nettement.
Vous pouvez continuer votre lecture par ces conseils de courtoisie au Japon ou ce bilan de 10 ans au Japon.
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