dimanche 16 décembre 2007

Noël et le jour de l’an au Japon

Les fêtes de fin d’année commencent souvent par une « réunion pour oublier l’année » (bonenkai忘年会). Il s’agit d’une soirée bien arrosée entre collègues ou amis dans un bar japonais (izakaya居酒屋). Le but est de dissoudre tous les problèmes de l’année dans l’alcool. Les japonais s’y appliquent particulièrement comme le prouve l’odeur tenace de bière dans les derniers métros à cette période de l’année. Groupes d’amis, club de sport, collègues de bureau, soirée du chef de service, soirée du chef de département, soirée avec les fournisseurs, les clients, un japonais sociable se rendra à une dizaine de soirées durant le mois de décembre.
Mais décembre n’est pas que le mois des salariés presque dissous dans l’alcool. C’est aussi le mois des illuminations. Souvent organisées par les grands magasins, elles mettent un peu de gaité dans les villes japonaises. Elles prennent parfois une grande ampleur, comme dans l’exposition Millenario, pour laquelle jusqu’à 200.000 personnes se pressent tous les jours pour parcourir une rue du centre de Tokyo, et attendent parfois plusieurs heures pour cela. Une fois arrivé sous les lumières, il est bien entendu interdit de s’arrêter car il faut laisser sa place aux suivants. Les agents de sécurité y veillent.
En décembre, les japonais écrivent aussi les cartes de vœux (nengajo年賀状). Il est de coutume de les envoyer à ses proches, mais aussi à ses clients, ses fournisseurs et toutes ses relations. Les cartes sont très simples, avec un petit dessin représentant l’animal de l’année (le rat en 2008, le boeuf en 2009). Les longs discours ne sont pas de mise, puisque ces carte signalent avant tout aux connaissances que l’on est encore en vie, et qu’on ne les oublie pas. Il n’est pas rare d’envoyer ou de recevoir plusieurs centaines de cartes, et il est tout à fait acceptable d’envoyer des cartes imprimées. Des tampons en caoutchouc sont aussi en vente dans les grands magasins avec les formules de vœux. Toutefois, les élégants tracerons leurs vœux au pinceau de calligraphie. Ces cartes sont toutes dotées d’un numéro de loterie, et seront distribuées exactement le premier janvier par la poste japonaise, qui recrute des travailleurs temporaires juste pour ce jour.
Le jour de Noël n’a aucun sens religieux au Japon, à part pour la petite communauté chrétienne. Ce n’est pas une fête majeure, et même pas fériée, mais c’est l’occasion de manger un gâteau de Noël. Le jour est aussi associé au poulet, résultat de 30 ans de marketing de la chaîne de fast-foods KFC. Il faut réserver plusieurs semaines en avance pour être sûr de pouvoir obtenir les précieux beignets à l’heure du repas le 24 décembre. Le 15 décembre 2007, à l’heure où a été écrit cet article, le site de la société KFC indique qu’il est désormais impossible de faire une réservation pour recevoir ses beignets après 16 heures le jour de Noël. Pour les jeunes couples, il est de coutume que monsieur organise une sortie romantique le soir du réveillon. Celle-ci commencera dans un restaurant élégant et se terminera en apothéose dans une chambre d’hôtel, réservée plusieurs mois à l’avance. Signe de la crise économique, il est étonamment facile de trouver des chambres libres cette année le soir de Noël dans les grands hôtels de Tokyo. Le jour est en tout cas aussi triste au Japon pour les célibataires que la Saint-Valentin en France.
Durant les derniers jours de l’année, il est très fréquent d’écouter la 9ème symphonie de Beethoven, en particulier l’hymne à la joie, parfois chanté par de larges chorales. Les cérémonies traditionnelles commencent pour le jour de l’an (shougatsu正月). Dans l’ancien calendrier lunaire chinois en vigueur jusqu’en 1873, le jour de l’an se déroulait souvent au début de février, juste avant le début du printemps. La plupart des citadins rentrent dans leur famille durant les derniers jours de décembre, et les grandes villes se vident. Les trains sont saturés et les autoroutes japonaises deviennent un gigantesque bouchon.
Avant le jour de l’an, il est de coutume de nettoyer la maison afin d’accueillir la nouvelle année dignement. C’est le daisoji (大掃除) ou grand ménage. Votre serviteur, de grande taille, s’est retrouvé plusieurs fois réquisitionné pour nettoyer les vitres et autres parties élevées de la maison de ses hôtes. Le soir du 31 se passe souvent en famille. Une audience nombreuse regarde alors l’émission de variété « Kōhaku Uta Gassen » (紅白歌合戦), qui oppose deux équipes de chanteurs, les rouges (femmes) et les blancs (hommes). La 58ème édition se tiendra cette année. Même si le programme est un peu désuet, c’est encore l’émission musicale la plus regardée au Japon .Puis, vers minuit, les plus courageux se rendent au temple bouddhique pour frapper un des 108 coups de gong qui accueillent la nouvelle année. Il y a plusieurs explications au nombre 108, mais la suivante est probablement la plus originale : Il y a six parties du corps par lesquelles on peut ressentir le monde : les yeux (眼), les oreilles (耳), le nez (鼻), la langue (舌), les entrailles (身) et le coeur(意), que l’on multiplie par trois car les sentiments peuvent être agréables (好), désagréables (悪) ou indifférents (平). Cela est encore multiplié par 2 car ces sentiments peuvent être purs (浄) ou impurs (染). On arrive à un total de 36 qu’il convient de multiplier par 3 pour prendre en compte la vie antérieure (前世), la vie actuelle (今世), et la vie future (来世). Chacun aura compris en suivant ce raisonnement que l’on déchiffre les symboles du bouddhisme à ses risques et périls.
Un plat de soba (spaghettis au sarrasins) est aussi de rigueur le soir du 31. On les mange en espérant que sa vie soit aussi longue que la forme de ces pâtes. Les visites aux temples s’accompagnent aussi de la dégustation d’un alcool de riz doux chaud (甘酒) bien utile pour se réchauffer.
Le premier janvier est la grande fête familiale. On mange alors la cuisine du jour de l’an "osechi ryori" ( 御節料理). Celle-ci est préparée à l’avance et disposée avec soin dans des boites en laque élégamment décorées. Il était autrefois tabou de cuisiner pendant les 3 premiers jours de l’année. Cette coutûme permet de nos jours à la maîtresse de maison de participer pleinement aux festivités.
Les ingrédients varient suivant la région, mais ont souvent une signification. Les haricots noirs (kuromame, 黒豆) symbolisent le vœu pour la bonne santé car « haricot » a la même prononciation que santé en japonais. Les sardines confites (tazukuri田作り) représentent une moisson abondante, les sardines ayant été utilisé autrefois pour fertiliser les rizières. Les œufs de hareng (kazunoko, 数の子) promettent une année fertile, riche en naissance, leur prononciation en japonais signifiant « nombreux enfants ». Les gâteaux de poisson (kamaboko, 蒲鉾) rappellent par leur forme et leur couleur (blanche et rouge) le soleil levant. On mange aussi de la dorade (Tai, 鯛) car le son rappelle le mot "medetai", de bon augure. Le mochi, une pâte de riz gluante, est aussi de rigueur, même si, avalée de travers, elle cause toutes les années quelques accidents.
Le mochi(餅)est considéré comme une offrande aux Dieux. On le mange dans une soupe appelée zoni (雑煮) pour remercier les dieux d’avoir offert une récolte abondante de riz l’an dernier, et pour prier qu’il en soit ainsi l’année suivante. Suivant les régions du Japon, la recette du «zoni» diffère. D’une façon générale, les morceaux de mochis sont carrés et grillés dans l’est du Japon (Tokyo 東京, Sendai 仙台, Aomori 青森) car il s’agit de la mode d’Edo, l’ancienne Tokyo. Ils sont ronds et bouillis dans l’ouest du Japon (Kyoto京都, Hiroshima 広島et Fukuoka 福岡) selon la mode de Kyoto. La soupe est à base de bouillon de poisson (sumashiすまし) dans l’est du Japon et Kyushu (九州) l’île à l’extrême ouest du Japon. On utilise par contre le miso (味噌) dans le kansai (関西, région de Kyoto 京都 et d'Osaka 大阪) et l’Azuki (小豆) dans la région d’Hiroshima (centre ouest du Japon).

Les mochis sont aussi utilisés comme une décoration (kagami mochi) 鏡餅Celle-ci est formée de deux boules de mochi superposées avec une orange amère (daidai) 橙dont le sens est « plusieurs génération », et qui augure d’une longue descendance. D’autres décorations de nouvel an associent le pin (dont le feuillage toujours vert symbolise la constance), et le bambou (qui plie mais ne rond pas, et sympolise la résilience). Des arrangement utilisant ces plantes sont placé dans l’entrée de la maison (kadomatsu 門松) pour inviter les dieux à visiter la maison. On place aussi souvent une corde avec des papiers pliés en zigzag (shimenawa注連縄) qui décore l’entrée des maisons, les temples et même les voitures.
Les japonais n’offrent des cadeaux qu’aux petits enfants. Pour les plus âgés, de l’argent, appelé « le trésor de l’année » (o-toshi-dama, お年玉)est placé dans une enveloppe joliment décorée. Les familles japonaises sont peu nombreuses, et les enfants reçoivent donc de nombreux cadeaux de parents, tantes et grands-parents. Il n’est pas rare pour un jeune enfant de recevoir plusieurs centaines d’euros d’étrennes, au grand dam de leurs grands parents, qui, issus de familles nombreuses, n’en recevaient pas tant.
Le premier janvier ou les jours suivants, les japonais effectuent la première visite de l’année au temple (hatsumode, 初詣). Ils rendent également des visites de courtoisie à leur voisinage, en offrant des gateaux  ou d’autres petits cadeaux (onenga, お年賀).
Le 2 ou le 3 janvier, tout le monde rentre en ville, en provoquant encore des bouchons records, et en saturant tous les trains. Le travail commence ensuite par une série de soirées entre amis et collègues pour accueillir dignement la nouvelle année à grands flots d’alcool. Cela s’appelle la "Shinnenkai" (新年会), et se répète plusieurs fois entre le groupe d’amis, les collègues, les clients et les fournisseurs. La boucle est ainsi bouclée, et la saison des fêtes est ainsi entourée dignement de plusieurs beuveries mémorables.
Article remis à jour le 25 décembre 2008

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Pour o-toshi-dama お年玉, j'ai l'impression que tu as confondu avec 「宝」. Dans mon dictionnaire, j'ai trouvé cette définition de 玉: 大理石などの美しい石。

U a dit…

Bonsoir, il semble que le kanji 玉 (tama) soit bien exact, et qu'il fasse référence aux pièces offertes autrefois pour l'occasion. 玉 a en effet aussi le sens de rond, et c'est la forme des pièces de monnaie.

Anonyme a dit…

Moi je pars la semaine prochaine pour passer le nouvel an a Tokyo, j'y vais regulierement en été mais c'est la 1ere fois pour cette occasion, je pense que je vais bien m'amuser. Tiens, si tu connais l'adresse d'un bon Izakaya pour passer le reveillon du nouvel an, n'hesite pas

U a dit…

Bonsoir,

Le jour de l'an au Japon est une fête familiale, et la plupart des restaurants sont fermés. Par contre, les établissements de chaîne seront ouverts. J'aime bien par exemple le yakitori toritetu(とり鉄) qui a plusieurs restaurants à Tokyo. Je ne garantis pas l'ambiance.

Voici le lien vers la page de la chaîne sur gnavi:
http://brand.gnavi.co.jp/toritetsu/

Anonyme a dit…

Merci pour cet article très bien écrit et de surcroit très informatif. Malgré le fait de vivre en Chine depuis longtemps, je ne soupconnais pas le quart de ce que j'ai lu. On en redemande !

Anonyme a dit…

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