dimanche 1 mars 2009

Les quatre saveurs du Japon

Le premier écrit de ce blog décrivait le Japon en 3 chiffres, une introduction que certains ont sans doute trouvé froide. Cet article propose de définit le Japon par des « saveurs ». Si je devais ainsi résumer Paris en quelques sensations à la manière d’un haiku, je mentionnerais probablement son mobilier urbain rétro aux teintes marron, ses pavés, ses toits en zinc, le carrelage et l’odeur du métro. Le Japon a lui-aussi ses sensations caractéristiques, j’ai ainsi choisi de vous parler du pouvoir du Yen, du « rétro moderne », du béton chaotique et la forêt.
Le pays du soleil levant est, plus que la France, un endroit où tout est payant. Jeune étudiant arrivant de France et habitué aux « cartes 12/25 » et aux bons plans, j’ai découvert un pays où 300 kilomètres de train ordinaire coûtaient forcément 50 Euros, où l’entrée à un musée représentait au souvent une dizaine d’euros (étudiant ou pas), où même les auberges de jeunesse coûtent relativement cher, et où l’abonnement pour le travail s’arrêtait juste à la station nécessaire, charge à moi de payer un supplément si je souhaitais aller faire des courses dans le quartier voisin le week-end. Les « bons plans » français ont certainement leur avantage, mais j’ai appris à apprécier la vie quotidienne surtout au Japon : on regarde avec plus d’attention les paysages par la fenêtre quand le train est cher, et on apprécie plus une balade dans un quartier voisin qui coûtera 1000 yens (7 euros) l’aller-retour que si on utilise simplement sa carte orange « professionnelle ». J’ai aussi fait connaissance avec les « jardins payants » (le Shinjuku-Gyoen 新宿御苑 par exemple) qui m’a appris à apprécier l’effort fait à développer des espaces verts. Je regarde maintenant le vénérable (et gratuit) parc de la tête d’or de Lyon comme une merveille, alors que c’était seulement banal pour moi. J’apprécie d’autant plus de dépenser au Japon que la qualité du service est excellente, que ce soit la nourriture servie (même pour un modeste plat de nouilles), la propreté des bâtiments et des espaces publics, ou par l’arrivée des trains à l’heure. Il y a bien entendu des exceptions, mais les clients sont presque toujours mieux traités qu’en Europe ou aux Etats-Unis. On voyage ainsi l’esprit tranquille, en étant toujours sûr d’en avoir pour son argent. Le Japon procure la sensation agréable d’une machine bien huilée qui, pouvu que l’on mette des pièces dedans, produira toujours ce que l’on a commandé.
Nous arrivons souvent au Japon en espérant y trouver des villes futuristes. Pourtant, un des charmes du Japon est le « rétro moderne » : la présence d’objets ou de tenues très inspirées de quelques décennies en arrière. Des amis d’Outre Atlantique m’ont confié qu’ils retrouvent dans certains aspects du Japon contemporain leur Amérique des années 50, avec quelques évolutions, et un niveau de service excellent. Les mangas sont peut-être le meilleur exemple, adaptation réussie des « comic strips » des années 50, tombés depuis en désuétudes aux US, mais toujours très actifs au Japon. Les costumes des « filles d’ascenceur » et leur chapeau de « groom », ou même des vendeuses de boisson dans le Shinkansen et leurs petits tabliers en sont de bons exemples. Les taxis de Tokyo ont également un petit air de Mercédes des années 80, d’autant plus que leur ligne plutôt carrée est souvent accentuée par des couleurs un peu rétro, comme un assortiment d’un orange pale et de liserés rouges, et parfois de petits protège-siège en dentelles.
Les rames de train de banlieue de série 201 (201系) de style résolument « acier carré »ont aussi leur charme. Bien qu’elles aient maintenant disparu des lignes Chuo (中央線) et Sobu (総武線) à Tokyo, il en reste quelques unes dans la région d’Osaka. Les habitants du Kansai apprécieront sans doute aussi lees rames bleues et vertes dela ligne Keihan (京阪電車), dont la ligne arrondie rappelle les premiers trains électriques. Dans le centre de Tokyo, le quartier de Marunouchi rappelle beaucoup, en plus moderne, le style de building « Chicago » des années 1900 aux Etats-Unis (voir par exemple le Monadnock Building à Chicago , ou le Marshall Field and Company Building), tous deux datant de la fin du 19ème siècle).
Un aspect caractéristique du Japon est la totale liberté architecturale laissée aux propriétaires de parcelles de terrain. Ce grand respect de la propritété foncière permet les styles les plus fous. Il permet aussi un style « béton provisoire » sans complexe qui n’est pas forcément synonyme à Tokyo de logement social bon marché. Les structures les plus anciennes sont maintenant noircies d’humidité, et peuvent rappeler les immeubles de Bombay.

Ils sont aussi un rappel de ce que le Japon était, dans les années 1960 et 1970, encore un pays au niveau de vie « intermédiaire ». En 1960, le niveau de vie du Japon (PIB par habitant) se situe à la 29ème place entre la Jamaique et l’Uruguay, en 1972 à la 24ème place entre l’Angleterre alors en crise et l’Italie en transition. Le Japon est seulement un pays riche depuis le milieu des années 80, étant classé à cette époque à la 9ème place mondiale entre le Danemark et les Etats-Unis plus récemment. Les immeubles plus récents s’autorisent des folies stylistiques plus ou moins heureuses, mais qui font toujours espérer une surprise lors d’une promenade en ville. Le résultat est une mosaïque de « pop-art » géante qui n’est pas désagréable. Dans ce chaos, les lignes de téléphone et d’électricité ont une place spéciale : par souci d’économie, et pour faciliter les remises en service après les tremblements de terre, la plupart de ces lignes sont encore aériennes, et les poteaux se transforment en une grappe de transformateurs et de cables.
La forêt est, comme le béton, une texture de base de la géographie japonaise. Est-ce la lumière plus vive au pays du soleil levant, est ce les essences particulières. La forêt a en tout cas un grain particulier ici, et sert de toile de fond seyante à la plupart de la vie dans le pays, que ce soient les collines qui entourent Kyoto, ou les falaises de la péninsule d’Izu. Ces montagnes sont d’ailleurs les derniers espaces sauvages du pays, et les seuls qui s’offrent au randonneur qui souhaite échapper aux villes.
La forêt est souvent au cœur des temples et sanctuaires japonais, et est mise en scêne avec talent, en jouant sur les essences, les tapis de mousse, et le contraste entre la texture des pierres et des végétaux. Le temps au Japon est différent de celui de l’Europe et une des joies du pays est de profiter de grandes journées d’automne et de printemps ensoleillées. Certains arbres n’ont certes plus leurs feuilles, mais l’air clair permet souvent d’apercevoir les montagnes enneigées qui entourent l’agglomération de Tokyo.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher Uchimizu, merci pour ton bel article. Tu mets beaucoup de talent sur ta plume à touches et c'est un plaisir de te lire. J'aime ta vision du Japon, ta poésie qui embelli juste un peu mais est, je trouve, d'une justesse incroyable.
On est vraiment récompensés d'être patients. Merci.

Anonyme a dit…

Oui trés bel article, du talent et de l'enthousiasme !
Continue même gratos c'est pour l'amour de l'art que tu fais ça !