dimanche 28 décembre 2008

L'étape d'Hakone sur la route du Tokaido

La vue du Mont-Fuji depuis le lac d’Hakone est une des cartes postales du Japon. Comme tout lieu touristique, Hakone a évidemment ses excès, et ceux qui ont attendu deux heures pour monter dans le téléphérique en garderont un mauvais souvenir, surtout si leur récompense a été une vue imprenable sur … les nuages qui cachaient le célèbre volcan. Pourtant, si l’on évite les courtes périodes d’affluences, et si le temps est de la partie, Hakone est une excursion inoubliable à 1 heure de train de Tokyo : l’activité volcanique, les superbes panoramas, et des randonnées agréables vous permettront d’oublier quelques instants l’agitation de Tokyo. Vous pouvez aussi faire étape à Hakone pour compléter un voyage au Japon centré sur le Kanto (la région de Tokyo). Celui-ci comprendra sans doute aussi une halte à Nikko, à Kamakura, dans les montagnes et dans la péninsule d’Izu.
Les mérites d’Hakone sont incontestables, mais le voyage depuis Tokyo est aussi intéressant. Les « Romance Car », un service spécial de la compagnie privée Odakyu, offrent en effet quelques places panoramiques avec une vue sur tout l’avant du train, car la cabine du conducteur est surélevée. Comme le train traverse toute la banlieue Tokyoïte depuis le grand centre de Shinjuku, c’est un des meilleurs aperçus de la ville. Depuis les grandes tours, les habitations se font de moins en moins denses, et l’activité se rassemble autour des gares. Les champs apparaissent d’abord perdus entre les maisons individuelles, puis deviennent alors majoritaires, et on voit apparaître la campagne japonaise typique avec ses champs de riz jamais très éloignés des habitations. Après avoir traversé quelques collines, on arrive dans la petite ville de Matsuda (松田), et à Odawara (小田原), avant de remonter une longue vallée jusqu’à la station d’onsen de Hakone Yumoto (箱根湯本).
Hakone Yumoto est une grande station d’onsen assez chic d’où part la ligne de train Hakone-Tozan (箱根当山). Les voyageurs au budget confortable apprécieront le « Classic Hotel » Fujiya près de la gare de Miyanoshita (宮ノ下駅), qui est également un excellent endroit pour juste prendre un verre ou acheter les excellents curry-pans, un des meilleurs du Japon. L’endroit est plus calme que Hakone-Yumoto. La station de Gora (強羅駅), tout en haut de la ligne de train Hakone-Tozan, est également un bon endroit pour profiter des onsens. Il existe de nombreux hameaux isolés avec un ou deux établissements pour ceux qui préfèrent être entourés de calme nature. Si cela ne vous suffisait pas, la péninsule d’Izu n’est qu’à quelques minutes de train d’Odawara, en particulier la station d’Atami, qui revient à la mode.

Le site d’Hakone est situé dans le cratère effondré d’un volcan, une « caldeira » dont le lac occupe l’endroit le plus bas. La dernière éruption a eu lieu il y a 3000 ans, et a formé le lac d’Ashinoko et la vallée d’Owakudani. Entre Hakone Yumoto et le lac d’Ashiko, le site d’Owakudani (大涌谷) a des airs de porte de l’enfer. Des fumeroles sulfurées sortent de terre, ainsi que de nombreuses sources chaudes. Comme nous sommes au Japon, un plat spécial a été imaginé pour l’endroit : les œufs noirs, ou « kurotamago » (黒玉子), bouillis dans les fumeroles volcaniques. Ils sont censés prolongés la vie de sept ans si consommés avec modération, une coutume bien pratique pour augmenter les ventes. Le site se rejoint par le funiculaire, puis le téléphérique depuis Gora.
On vient principalement à Hakone pour les superbes vues du Mont-Fuji. Celles-ci sont les plus impressionnantes entre la fin de l’automne et le début du printemps, quand la montagne est encore enneigée et l’air suffisamment clair pour apercevoir le volcan. Un des endroits les plus agréables est un parc situé sur le site d’un ancien palais impérial (onshi-hakone, 恩賜箱根) entre Moto-Hakone (元箱根) et Hakone-machi (箱根町). Si l’on suit l’itinéraire touristique habituel, on peut rejoindre Moto-Hakone par le bateau qui part du terminus du téléphérique à Togendai (桃源台). Le voyageur sera indulgent envers la présence d’une reproduction d’un bateau de ligne français ou d’un vapeur du Mississipi, et se rappellera que l’éclectisme est aussi un élément central de la culture japonaise.
Une fois arrivé à Moto-Hakone, on atteint cette petite presqu’île du lac d’Ashinoko (芦ノ湖) par 15 minutes de marche depuis Moto-Hakone dans une allée très agréable bordée de pins historiques de l’ancienne route en bordure du lac. A proximité du parc en direction de Hakone-machi se trouve l’ancien poste frontière de Hakone (HakoneSekisho, 箱根関所): il marquait l’entrée de la région du Kanto (littéralement à l’est des portes), et ne pouvait être franchi sans autorisation. Le contrôle des voyages, en particulier des seigneurs, était une des bases du pouvoir du ShogunTokugawa, qui s’assurait ainsi de la présence permanente d’otages de tous les clans dans la ville de Tokyo pour garantir la paix civile.
Depuis Moto-Hakone, une promenade agréable est l’ancienne route du Tokaido, ou Kyukaido (旧街道), qui permet de rejoindre par un sentier en descente, la station de Hakone Yumoto. Comme beaucoup de randonnées au Japon, elle permet de profiter de la forêt qui recouvrent les flancs de cette étroite vallée. De bonnes chaussures de randonnée sont de rigueur. L’étroitesse du chemin qui était le principal axe routier du Japon de l’Ere Edo (17ème au 19ème siècle) étonne, mais on doit se rappeler que les routes anciennes, comme les voies romaines, n’étaient en aucun cas des axes économiques : les échanges commerciaux se faisaient par voie maritime ou fluviale, le transport par route est beaucoup trop coûteux, il était donc réservé aux voyageurs et mouvements de troupe. Sur le chemin, vous croiserez après une heure de marche l’Amasake-Chaya (甘酒茶屋) qui offre un saké chaud bienvenu, et un petit musée présentant l’ancienne route du Tokaido. Après 45 minutes supplémentaires, vous arriverez au petit village de Hatajuku (幡宿), dont la spécialité est la boîte en bois, disponible évidemment dans de nombreuses boutiques de souvenir. Il est possible de continuer sa route jusqu’à Hakone Yumoto, ou de prendre le bus depuis le village. La marche complète jusqu’à Hakone Yumoto prend une grosse demi-journée.

Informations pratiques

Le Romance Car coûte 2020 Yen (15 Euros) de Shinjuku à Hakone Yumoto, avec environ un train toutes les 30 minutes. Un free pass offre le trajet depuis Tokyo et des transports illimités dans la région d’Hakone aux non-résidents. Le prix est de 5000 Yen (38 Euros) pour deux jours et 5500 Yen (42 Euros). Le site en anglais de la compagnie donne des informations détaillées en anglais: http://www.odakyu.jp/english/rc/index.html

L’itinéraire touristique depuis Hakone Yumoto comprend le train HakoneTozan de Hakone-Yumoto à Gora (390 Yens l’aller), puis le Hakone-Tozan cable car jusqu’à Sounzan (早雲山), puis le téléphérique (Hakone Ropeway, 箱根ロープウェイ) jusqu’à Togendai (桃源台) (1330 Yen (10 Euros) l’aller, 2340 Yen (18 Euros) l’aller-retour).

Bien que le funiculaire soit agréable, le plus pratique pour rejoindre moto-Hakone est le bus : 40 minutes depuis Hakone Yumoto (prix 930 Yen (7 Euros)).

Il est préférable d’éviter l’été, où le Mont-Fuji sera certainement invisible, et les périodes d’affluences pendant les jours fériés japonais : golden week entre le 28 avril et le 5 mai environ, et congés de fin d’année autour du premier janvier.

La carte suivante sur le site de l’office du tourisme japonais est fort pratique : http://www.tourisme-japon.fr/explorer/destinations/pdf/tokyo2-fuji-hakone.pdf


Le site Secret Japan propose de nombreux conseils et adresses d’onsen sur la région : http://www.secret-japan.com/forum/hakone-(kanagawa-ken)-t18.html

Le site officiel d’Hakone compte 17 sources d’onsen répertoriées (http://www.hakone.or.jp/english/midokoro/onsen.html)

L’estampe affichée est issue de la série des 53 stations du Tokaido (東海道五十三次) par Utagawa Hiroshige (歌川広重)

Vous pouvez continuer votre lecture et organiser votre voyage avec les articles suivants sur les « Classic Hotels », les Onsens et la péninsule d’Izu.
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jeudi 25 décembre 2008

Joyeux Noël 2008

Je souhaite à tous les lecteurs de ce blog et à leur famille un très Joyeux Noël. J'espère que vous passerez un bon moment entouré de vos proches, loin des petites soucis et inquétudes de l'époque.
La photo a été prise au Ryoanji (竜安寺) à Kyoto pendant une éclaircie après une chute de neige. Le temple est connu pour son jardin de pierre qui prend un aspect surprenant sous un manteau blanc.
Les lecteurs récents souhaiteront peut-être continuer votre lecture par cet article de l'an dernier sur les fêtes de fin d'années au Japon.
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dimanche 7 décembre 2008

En couple avec un conjoint japonais

Un séjour à l’étranger rend souvent plus vulnérable. Que l’on soit étudiant ou expatrié, le voyage est donc un moment propice pour une rencontre. Celles-ci semblent plus fréquentes entre hommes européens et femmes japonaises. C’est peut-être parce que le Japon atire plutôt les hommes français, et l’Europe est plutôt du goût des femmes japonaises. Peut-être aussi que les hommes européens et les femmes japonaises, habituées au rôle actif de la cour amoureuse, prendront plus facilement l’initiative. Il semble en tout cas que le début des histoires soit plus facile à l’étranger. Le charme de l’inconnu, l’intérêt de découvrir même les détails les plus insignifiants de la vie quotidienne du pays, souvent un voyage que l’on a idéalisé avant le départ, et il faut bien le dire, moins d’acuité à estimer la beauté d’une personne d’une autre « couleur » : tout cela rend l’aveuglement amoureux encore plus intense que dans une relation normale. Pourtant, si les débuts sont souvent plus faciles, la vie de couple étranger n’est pas simple à organiser. Cet article rassemble quelques modestes conseils.
Le respect

Tout couple demande un respect mutuel. Mais ici, la tentation est grande d’établir une hiérarchie entre les deux pays : les français seront tentés de mépriser l’urbanisme chaotique des villes japonaises, l’acharnement parfois inefficace au travail, et les particularités de la politique nippone. Les japonais regarderont de haut cette France des trains en grève, des crottes de chien, et du garçon de café qui ne sourit pas. Ces comportements sont souvent très dangereux dans un couple : même si l’on a conscience des limites de son pays, on n’aime jamais recevoir des leçons d’un étranger. Et toute tentative de mettre une hiérarchie entre les deux pays sera vite vue comme la volonté de mettre la même hiérarchie dans le couple. Il convient en particulier d’être très prudent sur les informations que l’on recueille sur le pays de son conjoint dans les forums internets, blogs, et sites spécialités pour les expatriés : il existe, en particulier sur les sites occidentaux, des interprétations discutables de la vie au Japon, avec souvent des raccourcis très hatifs. Certains faits divers rares sont parfois interprêtés comme des évènements normaux.
Il est beaucoup plus sage de proclamer une fois pour toute l’égalité entre deux pays au niveau de vie d’ailleurs tout à fait comparable. Cela n’interdit pas évidemment de s’amuser avec affection et humour des petits travers typiques de l’un ou l’autre pays, et même de se réjouir d’y être confronté, car cela fait partie du charme du voyage : une brasserie parisienne a besoin d’un serveur un peu rude, comme une ligne de train japonaise a besoin d’un préposé au petit drapeau rouge en bout de quai pour que l’expérience soit complète.
Il est aussi primordial de respecter les efforts que fait le conjoint déraciné pour s’adapter à sa nouvelle vie : ce n’est jamais une expérience facile, et il y aura forcément des petits coups de blues. Ce sont d’excellents moments pour prouver son attachement à son conjoint en lui apportant réconfort et écoute. Au contraire, si la personne en difficulté sent que son coup de blues est vu par son conjoint comme un obstacle qui l’empêche de regarder le match de foot ou de sortir avec ses copines au dernier restaurant à la mode de Daikanyama, cela ne renforcera pas l’affection mutuelle.
Le lieu de vie

Une relation de couple est faite d’affectation entre les conjoints, mais c’est aussi le choix d’un mode de vie commun acceptable pour les deux personnes. Dans le cas évoqué ici, les difficultés sont plus importantes : le choix du lieu de résidence voudra souvent dire qu’un des deux conjoints sacrifie sa carrière. Au moins un des conjoints sera éloigné de sa famille, des produits et de la culture de son pays. Internet permet des communications gratuites et l’accès aux journaux du pays d’origine, mais cela ne résoud pas tout. Il faut avoir vécu plusieurs années à l’étranger pour comprendre ce fort besoin d’un plat auquel on est habitué depuis l’enfance et introuvable sur place : malgré l’excellente nourriture japonaise, après une année sans rentrer en France, j’aurais volontiers échangé un diamant contre un bon saucisson lyonnais. Je pense donc qu’il est important de discuter avec son conjoint du type de vie que l’on envisage pour le futur, s’installer dans un autre pays n’est jamais un acte anodin, et souvent, le conjoint qui « joue à domicile » n’aura pas conscience des difficultés, surtout s’il n’a jamais tenté de s’intégrer à l’étranger. Un bon compromis est sans doute le projet de vivre, suivant les circonstances, dans l’un ou l’autre pays. Cela réduit la pression sur le conjoint expatrié de s’adapter à tout prix. Et l’expatriation sera d’autant plus facile que si le conjoint concerné a à la base, un intérêt pour le pays dans lequel il va vivre.
Le Japon est un pays très urbain. Cela a certainement des inconvénients, des trains bondés aux appartements exigus. Toutefois, ces villes sont aussi très vivantes : magasins ouverts à toute heure, spectacles et activités culturelles variées, restaurants nombreux et souvent excellents, boutiques à la pointe de la mode, tout ceci est accessible à quelques stations de métro. Si un japonais d’une grande ville (Tokyo, Osaka-Kobe-Kyoto, mais aussi Nagoya, Hiroshima ou même Fukuoka) vient en France il ne retrouvera souvent la même activité qu’à Paris, et peut-être très marginalement à Marseille, Lyon ou Toulouse. L’installation dans une ville de province peut-être un choc important pour certains japonais. C’est peut-être encore plus vrai aux Etats-Unis, où la vie des « suburbs » est si éloignée de celle du Japon, malgré un excellent confort.

L’argent

Un retour au pays coûtera plus de mille euros pour le conjoint éloigné de sa famille, et il ne peut souvent s'organiser que longtemps à l'avance. Les produits locaux et les livres en langue maternelle seront plus difficiles à trouver et souvent chers. Il n’est ainsi par rare de payer entre 10 et 15 Euros pour un magazine japonais à Paris, et celui-ci sera introuvable même dans les grandes villes de province. Les japonais qui s’installent en France sont aussi habitués à des quartiers sûrs et propres, et à une qualité de service excellente. Ils s’adapteront souvent mieux aux quartiers agréables de centre-ville qu’aux banlieues populaires, et apprécieront les commerces hauts de gamme. Dans l’autre sens, un français habitué à la qualité de vie de la province française se sentira sans doute plus à l’aise dans les quartiers agréables de Tokyo. Tout ceci fait qu’une certaine aisance financière aidera beaucoup à l’intégration. D’autant que de nombreux jeunes japonais habitent encore chez leurs parents et utilisent leurs salaires (souvent autour de 1500 Euros) comme argent de poche : s’ils s’expatrient, à moins qu’eux-mêmes ou leurs conjoints n’aient une situation exceptionnelle, leur pouvoir d’achat sera diminué de beaucoup. Il est très recommandé de faire une estimation de la situation financière du couple, et du train de vie qui pourra être mené, et de la partager avant de prendre de décisions irréversibles, comme celles d’une installation en France ou au Japon.
Certains détails pratiques, comme la combinaison des retraites des deux pays, doit être étudiée en détails. Une double cotisation était en effet extrêmement coûteuse, et pouvait représenter 20% de pouvoir d’achat en moins. Depuis l’accord sur les retraites entre la France et le Japon signé en 2005 et entré en application en 2007, la situation est plus simple. Les perspectives d’emplois au Japon pour des européens doivent toutefois être étudiées avec réalisme : Même avec un travail de cadre dans une multinationale en Europe, il n’est pas toujours possible de trouver une bonne position dans la filiale japonaise du groupe. Et c’est le cas le plus favorable : beaucoup d’étrangers ne peuvent prétendre qu’au poste précaire et peu payé de professeur de conversation. C’est sans doute un bon deuxième salaire dans un couple, mais très juste pour entretenir une famille.
Le mariage

Quoi que l’on pense des couples au long-cours qui refusent de se marier, les législations françaises et japonaises sur l’immigration sont telles qu’il est devient souvent obligatoire à un moment de se marier pour pouvoir habiter ensemble. Dans certains cas, seul le visa de tourisme (3 mois renouvelable tous les 6 mois en France) est accessible au conjoint non-marié en visite. Ce n’est pas la seule raison : un conjoint qui doit quitter son pays pourra se sentir plus à l’aise s’il a des certitudes juridiques par rapport au couple. De plus, l’union libre n’est pas entrée dans les mœurs au Japon. Le mariage sera donc une étape presque obligatoire, et il arrivera peut-être plus tôt qu’on ne le souhaiterait idéalement. Il est par contre très rare que les familles japonaises acceptent un mariage quand l’homme européen est encore étudiant, car ils considèrent qu’il n’a pas encore de situation, et ne peut subvenir correctement aux besoins du nouveau foyer. De même, les jeunes filles japonaises souhaiteront souvent travailler quelques années au Japon après la fin de leurs études avant de se marier et éventuellement de suivre leur époux dans son pays. Certains pensent aussi que les familles acceptent mieux les conjoints de leurs enfants quand ceux-ci approchent de la trentaine car ils pensent que c’est peut-être la dernière chance de se « marier dans les temps », et ils sont plus près à accepter les sacrifices de la situation. Tout ceci fait que les couples ayant fait des études supérieures semblent passer cette étape plus facilement après 25 ans qu’avant. Ce n’est dailleurs pas spécifique aux couples mixtes.
Les langues

Entre écriture terrifiante et grammaire absurde, Japonais et français sont parmi les langues les plus compliquées à apprendre. Certains couples internationaux commencent à parler en anglais, d’autres dans en français ou japonais, qu’un des conjoints aura appris pendant ses études. La vérité est que l’apprentissage d’une langue une fois adulte et dans la vie active est difficile pour beaucoup. C’est toutefois un effort auquel le conjoint non bilingue doit accorder la plus grande importance : seule une maitrise raisonnable de la langue du conjoint pour les deux partenaires permet une bonne communication avec les familles respectives, et cela aide certainement à s’intégrer dans chacun des pays. Lorsque l’on a une vie professionnelle intense, on n’a souvent pas le courage de se plonger vers 10 heures du soir dans une liste de kanjis ou des conjugaisons du troisième groupe. Un petit congé sabatique de 3 ou 6 mois pour étudier dans le pays la langue du conjoint peut-être une bonne idée.
Les différences de mode de vie

Certains expliquent les difficultés des couples internationaux par des différences de cultures complexes, liées aux philosophies très différentes entre paganisme et christianisme. C’est peut-être vrai, mais je crois qu’il ne faut pas négliger des aspects plus concrets des différences de modes de vie. Il faut décider si l’on enlève les chaussures à la maison (mode japonaise) ou si on les garde (mode française). La douche se prend également le soir (au Japon) ou le matin (en France). Les femmes japonaises retournent dans leur famille pour la fin de leur grossesse, alors qu’elles restent au domicile conjugal en France. Les habitudes alimentaires sont également différentes. Les femmes gèrent l’argent du couple toutes seules au Japon, alors que c’est plus une décision commune en France. Les vacances sont courtes et luxueuses au Japon, alors qu’elles sont longues et souvent « en famille à la campagne pour un mois» en France. Les courses se font tous les jours au Japon, alors que l’on se rend au supermarché pour le caddie hebdomadaire en France. La bonne viande de bœuf est maigre en France alors qu’elle est grasse au Japon. Enfin, peut-être plus important, les japonais n’aiment pas beaucoup les imprévus, et apprécient qu’un emploi du temps soit fixés à l’avance, sans annulation et retard le jour venu. Ce dernier point semble être un de ces qui énervent le plus les conjoints japonais de français.Tous ces sujets d’importance variable font qu’il va falloir trouver un mode de vie commun qui, sur certains aspects, surprendra un des conjoints. Là encore, un compromis est sans doute la meilleure des solutions, il est préférable de parler des sujets les plus sensibles avant une installation définitive.
Ces quelques lignes auront peut-être convaincu qu’un couple international n’est pas anodin. Partager une autre culture est une expérience formidable, mais les contraintes engendrées sont aussi importantes. Un dialogue ouvert et franc est primordial au succès du couple. Cela permettra d’anticiper les difficultés pour mieux les surmonter, et d’établir des compromis acceptables aux deux conjoints.
Informations utiles

Ce post de l’excellent blog « La rivière aux canards » explique l’accord sur les retraites signé entre la France et le Japon.

Des articles précédents de ce blog traitent des couples aux Japon, des démarches administratives pour la venue d'un conjoint japonais en France, et de la vie d'expatrié au Japon.

Je vous propose de compléter mon article avec vos expériences. J’enrichirai celui-ci au fur et à mesure avec les meilleures contributions des commentaires.
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dimanche 30 novembre 2008

Nikko sous la neige

La beauté du Japon n’est pas toujours immédiate. Comme un légume amer ou un verre de vin rouge, il faut goûter plusieurs fois à Tokyo (東京) pour apprécier réellement, derrière le béton usé, les petits recoins pleins de charme. Même Kyoto (京都), la capitale historique, mélange temples millénaires, boutiques de pachinkos et immeubles vétustes. Il existe pourtant des moments magiques, souvent éphémères : des cerisiers en fleur dans un coin de campagne désert, un temple perdu dans la forêt, ou un parc de quartier embrasé par des teintes d’automne au lever du jour. J’ai ainsi visité par un matin de février les temples de Nikko (日光) pendant une chute de neige.
La ville de Nikko est située au pied des montagnes à l’extrémité nord de la plaine du Kanto (東京), à une centaine de kilomètres de Tokyo. L’histoire de l’endroit commence au 8ème siècle quand un hermitage est fondé par un célèbre moine boudhiste. Celui-ci devient pour plusieurs siècles un lieu de formation des moines, avant de sombrer dans l’obscurité jusqu’au 17ème siècle. La ville est alors choisie pour le mosolée de Tokugawa Ieayasu(徳川家康), le général qui réussit à unifier le Japon. Il fut enterré en 1617, et c’est durant cette année que son petit fils, Tokugawa Iemitsu (徳川 家光) entreprit la construction du sanctuaire et du mausolée qui se visite encore maintenant.
Même sans le charme d’une chute de neige, Nikko est, avec Kamakura (鎌倉), un des deux sites historiques incontournables de la région de Tokyo. Son style est pourtant atypique : les monuments les plus chers au cœur des japonais ont souvent une esthétique dépouillée. Ils mettent en valeur les éléments naturels et la subtilité de la composition est primordiale. Les temples de Nikko ont au contraire été décorés jusqu’à l’excès par les artisans les plus habiles de l’époque dans des couleurs vives, et un style plutôt inspiré par la Chine. C’est sans doute pour cela que certains japonais méprisent ces temples. Pourtant, le contraste entre ces ouvrages scultés dans les moindres détails et la superbe forêt de cèdres est particulièrement agréable. L’impression laissée est sans doute plus proche de la Chapelle Palatine de Palerme que des jardins zens de Kyoto, mais l’on peut passer des heures à admirer les détails des bas-reliefs, avec une pensée pour les quinze mille ouvriers qui ont construit l’ensemble pendant deux ans. Et cinq minutes de télévision japonaise persuaderont aisément le lecteur que l’exhubérance et les couleurs sont aussi une facette de la culture du pays.
Le monument principal du site est le Toshogu(東照宮,) mausolée de Tokugawa Ieyasu. Il se situe dans une belle forêt de qui prend des airs mystérieux par temps de brouillard, ou, comme lors de cette belle matinée, sous la neige. On l’approche par un long chemin qui comprend, sur sa gauche, une pagode de 5 étages à la structure originale : son axe n’est pas fixé à terre mais suspendu, pour servir de contrepoids en cas de tremblement de terre, une solution reprise par la suite dans certains immeubles modernes anti-sismiques. Avec la neige qui tombe, on s’attend à voir surgir une horde de loups ou peut-être un Oni (ogre local) de derrière les arbres. Après avoir rejoint la première porte, on peut voir sur la gauche les 3 singes sculptés en bois représentant la doctrine boudhiste « ne pas voir le mal, ne pas écouter le mal, ne pas dire le mal ». Ils figurent dans tous les clichés japonais, et comme pour la Joconde, j’avoue avoir été légèrement déçu par la foule qui les entoure et leur petite taille.
Mais le reste du complexe est superbe, et en cette matinée enneigée, les couleurs vives apaisées par la neige laissent une impression sublime. Le contraste entre les sculptures lisses des bas-relief et la texture rugueuse de la poudreuse est saisissant. Et les éclaircies donnent aux teintes vives un éclat tout baroque que l’on a envie d’accompagner par le requiem de Mozart. La première porte du complexe est le Youmeimon(陽明門). C’est la plus riche du complexe, La légende veut qu’un des piliers soit monté à l’envers car l’artisan avait peur de rendre jaloux les dieux s’il réalisait une œuvre trop parfaite. Le mur à droite de la porte est décoré de superbes sculptures colorées surplombées de lanternes de pierre. En montant encore un escalier, on rejoint par une autre porte, la Koreimon (唐門), aussi très belle, le sanctuaire principal.
Un petit chemin sur la droite permet de se rendre au sanctuaire interne (Okusha奥社), par un escalier dans la forêt aux allures mystérieuses. Même si l’architecture y est moins spectaculaire, l’impression d’entrer dans le Saint des Saints, en l’occurrence la tombe du Shogun Tokugawa Ieyasu, mérite l’ascension. Le mausolée est d’une simplicité très japonaise qui contraste avec la décoration exhubérante du Toshogu.
Nikko est également entouré de superbes montagnes : le lac Chuzenji (中禅寺湖) formé à la suite d’une coulée de lave qui boucha la vallée, les fameuses chutes de Kegon (華厳の滝), et les marais de Senjogahara (戦場ヶ原), très agréables à partir de juin. La région mérite largement deux ou trois jours.
Vous pouvez continuer votre lecture par ce récit de l'automne au Japon.
Informations pratiques

Le site des temples est situé au bout de la rue principale de la ville après la traversée de la rivière sur une colline dans la forêt. Ceux qui arrivent par le train prendront à droite, et marcheront une trentaine de minutes ou prendront le bus (quais 1, et 2 jusqu’à la station Shinkyo神橋 (Y190, 1.60 Euro).

Il est possible de rendre le voyage beaucoup plus agréable en empruntant le service spécial « Tobu Specia » qui vous permettra de voyager en VIP à travers l’interminable banlieue nord de Tokyo (1h50, Y2720, 22.60 Euro). Un changement est parfois nécessaire à Shimoimaichi (下今市). Le voyage est plus court et les sièges plus comfortables que le train classique de la ligne Tobu (東武伊勢崎線快速, 2h04, Y1320 11 Euro départ toutes les heures environ).

Les voyageurs au budget généreux voudront peut-être passer la nuit dans le « Classic Hotel » Nikko Kaneya (日光金谷ホテル) Les autres pourront aussi se rendre dans la populaire et sympathique station thermale de Kinugawa-Onsen(鬼怒川温泉), à quelques minutes de train (de 20 à 30 minutes, correspondance à Shimoimaichi, Y300, 2.5 Euros).

La ville est aussi desservie par une gare JR, la desserte est beaucoup moins pratique: 45 minutes depuis Utsunomiya (宇都宮).

Le site de la Nikko Tourist Association (http://www.nikko-jp.org/english/) offre des informations détaillées en anglais.
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dimanche 23 novembre 2008

Couples japonais

Certains occidentaux arrivent au Japon come à une croisade, pour libérer les pauvres femmes japonaises de leurs peu galants hommes et de la société machiste. Ils viennent enfin leur apprendre l’Amouuur avec un grand A. On comprend que ce rôle auto-désigné soit flatteur, même si l’on peine parfois à voir dans les expatriés des Casanovas des temps modernes. Et la plupart de mes collèges féminins au bureau plébiscitaient aussi certaines qualités des hommes de leur pays, comme la gentillesse, l’attention et la patience, qui compensaient largement le manque de déclarations enflammées et de bouquets de rose. Loin des clichés, les couples japonais, comme ceux des autres pays, tentent d’équilibrer amour, vie matérielle, et exigences sociales, avec des contraintes différentes de celles de l’occident, mais pas forcément moins de succès.
Les histoires de couples commencent souvent à l’adolescence. Au Japon, les années de lycées sont les plus dures du système éducatif : il s’agit pour les enfants de la classe moyenne avec des ambitions d’intégrer la bonne université qui leur offrira une position enviable dans la société. La crise de l’adolescence, et la découverte de l’autre sexe, est souvent repoussée aux études supérieures, au début de la vingtaine. Ces jeunes couples restent souvent une affaire privée : il est très rare de présenter son ami(e) à ses parents avant que cela ne soit sérieux, et ce dernier n’est souvent pas des soirées entre potes. On présente souvent le Japon comme une société où le groupe est important, mais il semble que les japonais défendent avec d’autant plus d’acharnement leur « jardin secret ». Cela peut expliquer en partie le succès des « love hotels », ces établissements à la décoration tape-à-l’œil qui permettent aux jeunes couples de passer quelques heures ensemble sans que les voisins ou la famille ne soit au courant. Le Japon ne connaît d’ailleurs pas les tabous chrétiens, et s’il est fréquent d’attendre quelques semaines ou quelques mois que la relation soit sincère avant de passer une nuit ensemble, personne ne semble souhaiter différer cela jusqu’au mariage, une pratique pourtant encore en vigueur dans les milieux religieux en occident.
Une fois les études finies et l’intégration en entreprise réussie, on commence souvent à penser au mariage. Certains ont déjà rencontré leur conjoint à l’université, en particulier dans les associations étudiantes, les « cercles ». D’autres tomberont sous le charme d’un collègue de bureau. Les jeunes salariés ont souvent de longues journées au travail, et cela ne laisse pas beaucoup de temps pour trouver un conjoint. Les jeunes organisent donc des « go-kons » (合コン), soirées mixtes dans un bar avec un nombre égal de filles et de garçons choisis parmi ses amis ou ses collègues, et en espérant que quelques couples se forment. Un bon organisateur de « go-kon » est un ami précieux. Bien que la tradition se perde, il existe aussi l’ « omiai » (お見合い), les célèbres mariages arrangés organisés par les familles. On y fait tourner des « CVs » avec photos, et des rencontres sont organisées entre conjoints potentiels. J’ai surtout entendu cette parler de cette pratique par des amis habitant à la campagne, mais cela semble très minoritaire maintenant.
La cour dure quelques temps, et comprend de nombreux « dates » (デート). Les incontournables sont la fête de Noël, ou l’on sort avec son conjoint. Tous les restaurants chics sont réservés des mois à l’avance. A la Saint-Valentin, les femmes offrent des chocolats à leur bien-aimé, et lors du « White Day », un mois après, l’homme doit offrir un cadeau du double de la valeur. Beaucoup de couples ne choisissent d’habiter ensemble qu’une fois mariés, et restent dans leur logement de célibataire ou chez leur parent jusqu’au mariage.
Le mariage (kekkon, 結婚) peut se célébrer de diverses façons : il existe la cérémonie traditionnelle au sanctuaire shinto, mais les cérémonies chrétiennes, qui rappellent les films américains romantiques jusque dans le prêtre blond, ont aussi beaucoup de succès. L’anecdote veut que de faux prêtres, professeurs d’anglais ou tenanciers de bar en semaine, officient lors de la cérémonie. Le grand mariage japonais réunit la famille, les collègues de travail des mariés et des parents. Certaines jeunes couples préfèrent un mariage plus intime dans un restaurant avec seulement la famille proche et les bons amis. Le mariage à la maire est une simple formalité, qui s’effectue au guichet sans cérémonial.
Les enfants hors mariage ne sont pas encore entrés dans les mœurs au Japon, même s’il y a depuis peu égalité des enfants naturels devant la loi. La contraception est moins sophistiquée qu’en occident, la pilule est peu répandue et a mauvaise presse. De nombreux couple se marient sur un « dekichatta kekkon » (できちゃった結婚), c'est-à-dire une fois la femme enceinte. L'expression a une connotation de "mariage après une bêtise". Il est en tout cas célébré à la va-vite, souvent sans cérémonie, malgré les efforts des professionnels du mariage qui promeuvent le "sazukarikon" (授かり婚), ou mariage "inestimable", et proposent des cérémonies clés en main adaptées. Tout le monde fait semblant de ne pas remarquer qu’un enfant naîtra 6 mois après le mariage, et très souvent, à la naissance du charmant petit, tout est oublié. Je crois que la situation concerne la moitié des couples. Je me suis demandé à un moment si certains ne choisissaient pas cela volontairement pour éviter d’avoir à « négocier » le mariage avec les familles. Comme les japonais présentent peu leurs conjoints à leur famille avant le mariage, certains parents apprennent l’existence du conjoint, la naissance du futur enfant, et le mariage en même temps. Lors de la grossesse, qui est plus médicalisée qu’en France, les femmes passent traditionnellement les dernières semaines dans leur famille, en laissant le mari seul à la maison. Cela leur permet d’être « dorlotées » par leur mère, et de préparer au mieux l’accouchement. Cela peut sembler choquant, mais c'est certainement pratique.
La condition des femmes au travail est en constante évolution. Traditionnellement, les jeunes filles quittaient leur emploi une fois mariées, mais cela est très marginal maintenant. Il semble par contre qu’il soit toujours préférable de démissionner au mariage si son conjoint travaille dans la même société, ce qui n’empêche pas d’aller dans une autre entreprise. Echapper aux potins de l'entreprise est probablement une grande motivation dans ce cas. Pratiquement toutes les femmes continuent au moins jusqu’à la naissance de leur premier enfant, et beaucoup choisissent de continuer à travailler même une fois le premier enfant né. Avec la baisse de la population, le travail féminin est une nécessité pour les entreprises. Il s’agit toutefois rarement de carrières de premier ordre, ce qui incite certaines « business women » à différer le mariage jusqu’à très tard. Certains organismes, comme les hôpitaux, offrent des crèches à leurs employés, mais même dans le privé, beaucoup continuent maintenant leur carrière, en laissant leur enfant dans les crèches publiques (takujisho, 託児所). Il existe évidemment, surtout dans les grandes villes, des listes d’attente. En plus de l’émancipation, les motivations pour continuer à travailler sont aussi économiques : les salaires ont beaucoup baissé durant les années de crise et l’emploi à vie n’est pas garanti : un deuxième salaire permet de limiter les risques. Les familles et les jeunes papas sont aussi mis à contribution pour s’occuper des enfants. Le Japon a au moins un bon côté par rapport à l’Europe : il est possible de trouver des repas préparés de qualité correcte à très faible prix, que ce soit à emporter ou au restaurant, ce qui peut dispenser une femme occupée de préparer le repas familial tous les soirs.
Le Japon manque d’enfants, et certains attribuent cela, sans doute naïvement, à la faible fréquence des rapports intimes dans le couple. Les couples japonais mettent plutôt en avant le coût important que cela représente : le logement est cher. Si les restaurants sont bons marchés, les supermarchés sont plus chers qu'en Europe. La couverture sociale ne s’étend pas à tous les frais médicaux. Et surtout l’éducation est très onéreuse : les écoles et universités privées sont très répandues et ne sont pas, contrairement à la France, subventionnées. La fiscalité est aussi moins favorable aux familles qu’en France. Un enfant supplémentaire peut donc faire la différence entre une existence confortable de classe moyenne et une vie aux fins de mois difficiles. Enfin, les « career women » reporteront souvent leur mariage après 35 ans, ce qui ne favorise pas la fécondité..
La tradition veut que la femme gère les finances du couple, et laisse au mari un peu d’argent de poche (okozukai, お小遣い) pour ses besoins personnels. Il semble que cela soit encore une règle assez générale, et cela donne certainement aux femmes une place prépondérante dans les affaires domestiques. Les annonceurs s’adressent souvent plus aux femmes quand il s’agit de vendre à la famille. Le parcours éducatif est plus strict au Japon qu’en France, et il n’est pas facile de déménager en cours de scolarité des enfants : ils perdraient alors le bénéfice de leur inscription dans une bonne école. Il existe donc une situation fréquente de « couple à distance » (tanshinfunin, 単身赴任) où la femme reste dans une ville, le mari va travailler dans une autre, en rentrant au mieux tous les week-ends mais plus souvent tous les mois. Cela est bien accepté en général. Les japonais gardent en effet sans doute, plus que les européens, un peu de liberté. Il n’est pas rare de sortir entre amis ou collègues mêmes une fois mariés. Les entreprises japonaises exigent beaucoup de leurs employés, et favorisent la cohésion en organisant des soirées entre collèges, ce qui ne facilite pas la vie familiale. Ces escapades nocturnes sont toutefois moins fréquentes depuis quelques années, car les entreprises ne les passent plus systématiquement en note en frais. J’ai plus entendu parler de soirées hebdomadaires ou même mensuelles, que de beuveries quotidiennes.
Les divorces (rikon, 離婚) sont de plus en plus fréquents au Japon même s’ils restent semble-t-il un peu moins communs qu’en occident : certains couples semblent préférer le retarder jusqu’à ce que les enfants soient partis de la maison, ce qui pourrait expliquer la récente mode des « divorces de personnes âgées ». Il ne faut pas croire que tous les couples japonais sont forcément à la dérive : la plupart des couples matures que j’ai croisé semblaient heureux, ou au moins, avaient trouvé un mode de vie qui convenait aux deux conjoints. Les jeunes couples que j’ai fréquenté semblaient pour la plupart modernes, et peu différents des couples français : un ami japonais a adapté sa carrière pour favoriser celle de sa femme, et les jeunes papas semblent faire beaucoup d’efforts malgré leur travail envahissant pour s’occuper de leurs enfants.

Références

Le graphique suivant publié par les autorités japonaises indique la proportion entre les mariages arrangés (お見合い結婚) et les mariages d'amour (恋愛結婚). Celle-ci s'est inversée au milieu des années 60, et seulement 6% des mariages sont maintenant arrangés contre près de 70% dans les années 1930. lien vers le graphique

Un autre article de ce blog traite spécifiquement des couples internationaux avec un conjoint japonais.

Vous pouvez continuer votre lecture par ces conseils pour les managers expatriés au Japon
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lundi 10 novembre 2008

Les feuilles rouges

Les joies des saisons sont au cœur de la vie japonaise. Les cerisiers en fleurs au printemps sont plus connus, mais l’automne a aussi ses plaisirs : à la fin du mois de novembre, les parcs et forêts japonaises se couvrent de teintes magnifiques Plus qu’en Europe, il y a alors de belles journées ensoleillées : la lumière dans les feuilles multicolores sur fond de grand ciel bleu et d’air pur est un temps fort de l’année japonaise. Elle mérite un voyage, autant que l’été moite et ses feux d’artifices, ou le printemps et ses arbres en fleurs.
La tradition des promenades dans la forêt automnale date de l’ère héian, où le Momijigari (紅葉狩り), littéralement « chasser les érables » était un passe temps raffiné. Les érables (紅葉Momiji), en particulier les essences spécifiques au Japon, prennent une teinte rouge vif remarquable appelée Koyo(黄葉), ou "feuille rouge". Les jardins et les temples comprennent pour la plupart, en plus des cerisiers qui font le bonheur des promeneurs printaniers, quelques érables qui agrémenteront les promeneurs d’automne. Les belles teintes rouges sont d’autant plus faciles à apprécier que le temps plus frais de l’automne donne moins de liberté aux fêtards pour planter leur toile de pique-nique sous les arbres, et s’y saouler en écoutant un karaoké nasillard. L’atmosphère y est plus recueillie et mélancolique, ce qui sied parfaitement à la saison.
L’on se rendra donc de préférence dans un des beaux sites japonais avec des jardins traditionnels : une escapade à Nikko ou Hakone sera inoubliable, et c’est sans doute un des meilleurs moments pour visiter Kyoto, même si les hébergements doivent être réservés plusieurs mois à l’avance. Les temples du quartier calme d’Arashiyama (嵐山), en particulier le temple du Joojakkooji (常寂光字) proposent de superbes vues, mais un des jardins les plus fantastiques est celui du temple de Tofukuji (東福寺). Le très bel édifice de Kyomizudera (京都) sur les hauteurs de Kyoto, inoubliable à l’époque des cerisiers en fleurs, est aussi superbe à l’automne. A Uji (宇治), le temple de Mimurodoji (三室戸寺) prend aussi de superbes couleurs, Situé dans un endroit reculé, il est à l’abri de la foule. Dans le Kansai, la ville de Nara (奈良) mérite aussi une visite à cette période.
Si vous ne pouvez profiter des plus beaux jardins, ou si vous préférez une esthétique plus quotidienne, une simple promenade dans les quartiers de banlieue d’une grande ville japonaise vous fera admirer quelques superbes érables parfois coincés entre un mur, un poteau électrique et la ligne de téléphone. Le moindre petit parc de quartier avec ses deux bancs vieillots et son cheval à bascule en plastique prendra de superbes couleurs. Même ce petit square au pieds de deux immenses bâtiments en béton cubique du centre-ville mérite une visite. Le cadre est moins spectaculaire que les temples des guides touristiques, mais la poésie urbaine éphémère en est encore plus touchante.
L’automne est aussi une saison fantastique pour une promenade en forêt japonaise. La vallée d’Ome(青梅), à quelques kilomètres de Tokyo, est un endroit fantastique pour des randonnées en montagne. Vous pourrez aussi, si vous arrivez à réserver, faire un séjour dans un onsen perdu en pleine nature la nature. L’air frais de la fin d’automne rend fort plaisantes les baignades dans les rotenburo (露天風呂, piscines extérieures).
Après ces escapades dans la nature, vous serez probablement affamé, et vous pourrez déguster quelques marrons, ou un « Sanma grillé » (焼き秋刀魚), le poisson de saison, ainsi que de riz aux matsutake (松茸), un des champignons japonais les plus fameux. Les premiers frimas de la saison sont aussi l’occasion de commencer la saison des nabés (鍋), ragouts cuits sur la table dans une grande casserole (nabe en japonais) en présence des convives.
Vous pouvez continuer votre lecture par ce récit de randonnées dans la montagne japonaise.
Informations pratiques

Hébergement: les hôtels de Kyoto peuvent parfois être bondés en pleine saison. Il sera par contre toujours facile de trouver un hôtel à Osaka, qui n’est qu’à 40 minutes en train de Kyoto et 30 minutes de Nara. De même, en cas de difficulté pour réserver un hôtel à Nikko, la station thermale toute proche de Kinugawa-onsen dispose d’un important parc hôtelier.

Accès à la vallée d’Ome: Ligne Chuo (中央線) depuis Shinjuku (新宿) jusqu’à Tachikawa (立川), puis ligne Ome (青梅線), avec changement de train à Ome (青梅) pour prendre le train à destination de Oku-Tama (奥多摩). Il existe aussi des trains directs de Shinjuku à Ome.

Accès au temple Tofukuji: ligne JR Nara (JR奈良線), gare de Tofukuji (東福寺駅) ou ligne Keihan (京阪線), gare de Tofukuji (東福寺駅) depuis Osaka yodoyabashi (淀屋橋) ou Kyoto Keihansanjo (京阪三条). Entrée au temple Y400 (environ 3 Euros), adresse : 京都府京都市東山区本町15-778 Honcho tozan-Ku Kyoto-Shi Kyoto-Fu

Accès au temple Joojakkooji: 15 minutes de marche depuis la gare JR Saga-Arashiyama (嵯峨嵐山) ligne Sanyo Honsen (JR山陰本線), 20 minutes, Y230 (environ 1.7 Euros). Accès aussi possible depuis le terminus du tramway KeifukiDenkiTetstudo (京福電気鉄道) gare de Yarashiyama. Le tramway se prend sur l’avenue Shijo dans le centre de Kyoto à la gare de Shijo-Omiya (四条大宮), 22 minutes, Y200 (environ 1.5 Euros).

Accès au temple Mimurodo-Ji: 京都府宇治市菟道滋賀谷21Todo, Uji-shi, Kyoto. entrée Y500, 5 minutes à pied de la gare de Mimurodo sur la ligne Keihan Uji (京阪宇治線), correspondance à Chuushojima (中書島) depuis Kyoto ou Osaka. Depuis la gare, prendre la route perpendiculaire à la ligne Keihan et qui passe peu après sous la ligne JR, en direction des montagnes.

Les sites de météo japonaises proposent un service de prévision de l’apparition des feuilles rouges. Celui de Yahoo Japan est situé à l’adresse suivante : http://kouyou.yahoo.co.jp/. Comme pour les fleurs de cerisier, la saison se déplace du nord vers le sud. Les plus beaux ramages s’observent dans la nord du pays à partir de mi octobre. Les régions de Tokyo et Kyoto voient les couleurs les plus vives autour de fin novembre.

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dimanche 26 octobre 2008

Shitamachi, la ville basse de Tokyo

Alors que les quartiers des collines de la Yamanote (山手) abritaient les domaines de la noblesse durant l’Ere Edo, la plaine du nord de Tokyo (東京) etait le cœur de la ville plébéienne. Shitamachi (下町) ou ville basse désignait alors les environs de Nihonbashi (日本橋), Ginza (銀座), et Ueno (上野), mais le mot est maintenant utilisé pour tous les quartiers populaires au nord d’une ligne Shinjuku (新宿)-Ginza (銀座). Le mot a été repris dans d’autres grandes villes japonaises pour désigner des endroits similaires. Il suffit de quelques minutes de métro pour quitter le centre du Tokyo moderne, commerçant et branché, et se plonger dans ces délicieux quartiers désuets et calmes, un antidote parfait à l’agitation de la ville.
Shitamachi n’offre pas de sites touristiques spectaculaires, mais des ilots de ville japonaise traditionnelle avec leurs chaos de petites maisons, souvent décorées de plantes en pot. Les commerces y sont aussi vénérables que leurs propriétaires. Entre les habitations, de nombreux petits ateliers sont encore présents, ainsi que les traditionnels sento (銭湯), bains collectifs reconnaissables à leur cheminée. La population est plutôt agée car peu de jeunes souhaitent vivre dans ces endroits n’offrant pas toutes les facilités modernes malgré un emplacement central. Pour le promeneur, ces petites rues sont un excellent vestige du Japon de l’après guerre, alors qu’il n’était pas encore le grand pays prospère actuel. La modestie des habitations et des commerces est un bon témoin de la relative frugalité qu’a connu la génération maintenant à la retraite. Le plus plaisant est de se perdre au hasard des rues. Une boussole peut être bien utile pour suivre la direction souhaitée et retrouver, après quelques minutes de marche, une grande artère facile à situer.
Une promenade intéressante commence à la gare d’Iidabashi (飯田橋). Il s’agit de visiter la « ville basse », mais nous emprunterons d’abord la montée de « Kagurazaka » (神楽坂), un quartier plutôt branché de Tokyo, avec une légère connotation française. Si vous avez l’âme aventurière, les nombreuses ruelles en pente du méritent certainement un détour. Après deux virages sur la gauche, nous prendrons l’avenue de « Waseda Dori » (早稲田通り) sur la droite, passerons devant la station de métro de Kagurazaka et marcherons une demi-heure à travers ce quartier calme de Tokyo. Nous passerons devant la station de métro de Waseda, pour rejoindre le campus de la principale université privée du pays « Waseda Daigaku » (早稲田大学). Cette dernière a un excellent niveau, mais, à l’image des universités américaines, il est aussi possible aux riches « fils de » d’y rentrer en suivant les onéreux cours offerts depuis l’école primaire par l’établissement. Au carrefour de « Nishi-Waseda » (西早稲田), nous prendront à droite vers le nord pour arriver au premier objectif : le terminus de la ligne de tramway « Arakawa » (荒川線). Vous vous êtiez bien doutés que cette marche était un prétexte pour monter dans un train, et vous aviez raison.



Cette ligne vénérable est une des deux survivantes du réseau de tram de la ville de Tokyo (avec la ligne Tokyu Stegaya). Elle traverse de nombreux quartiers populaires peu desservis par les transports en communs. Elle parcourt en 50 minutes les 13 kilomètres en traversant lentement le nord de la ville d’ouest en est, jusqu’au terminus de Minowabashi (三ノ輪橋). C’est une excellente façon de découvrir des quartiers qui ne figurent sur aucun guide touristique. Sur le chemin, l’on peut s’arrêter à Otsuka (大塚), et se rendre de là à Sugamo (巣鴨), le « quartier des vieux » situé à une station de train. Le parc de Rikugien (六義園) une courte visite, ainsi que le surprenant jardin de Kyu-FurukawaTeien (旧古河庭園), une surprenante demeure bourgeoise dans cet endroit populaire. La ligne de tram mérite d’être parcouru jusqu’au terminus, dont l’architecture est intéressante : la gare est entourée de galeries marchandes qui lui donnent un air de petite ville de province. Souhaitons que la ligne de tram, qui est maintenant concurrencée par les beaucoup plus modernes « Fukutoshin » (副都心)et « Nippori – Tonari Liner » (日暮里舎人ライナー,) ne soit pas démantelée. Minowabashi (三ノ輪橋) est à proximité du célèbre « ghetto » de « san’ya » (山谷) dont la visite n’est pas recommandée : il rassemble des travailleurs pauvres et âgés, presque exclusivement masculins, souvent journaliers sur des chantiers de construction, et jamais loin de devenir sans-abri. Contrairement aux habitants modestes mais socialement intégrés de Shitamachi, ils n’apprécieront pas forcément votre visite.
Après avoir pris le métro, nous nous retrouverons à Ueno (上野), le grand centre urbain le plus populaire de Tokyo. Il était en effet la gare d’arrivée des immigrants venant des régions pauvres du Tohoku. Le quartier est célèbre pour son parc, et celui-ci comprend, en plus du charmant musée national, un petit musée de « Shitamachi » qui retrace la vie des quartiers populaires. Ce dernier est situé vers l’extrémité sud-est de l’étang d’Ueno, à proximité de la gare Keisei (京成). Depuis Ueno, une promenade agréable est de se rendre à Yanaka (谷中). En se dirigeant vers le fond du parc d’Ueno, (musée national), nous prendrons à gauche (vers le nord-ouest) la rue traversant le parc devant le musée national. Elle mène directement au cimetière de Yanaka en traversant un des quartiers les plus calmes de la ville. Il est facile ensuite de rejoindre la gare de Nippori (日暮里), et de profiter au passage de la petite rue commerçante de « Yanaka Ginza ».
Depuis Ueno, il est aussi possible de se rendre a Kappabashi (合羽橋). Ce quartier rassemble les magasins de matériel de cuisine de la ville. C’est donc l’endroit idéal pour trouver une rappe un peu rare ou des formes à gateaux originales. De nombreux magasins ont été construits il y a des décennies et leur atmosphère mérite le voyage même si vous ne souhaitez pas vous équipper. Le quartier des environs est d’urbanisation ancienne, mais à l’atmosphère très populaire.
D’autres quartiers méritent une promenade au hasard des rues. Hongo (本郷) est un petit oasis de paix à deux pas du Tokyo Dome. Il est également proche du quartier de l’université de Tokyo, que l’on atteint par une marche agréable vers le nord. Le quartier à l’est de l’université de Tokyo, juste de l’autre côté de l’avenue HongoDori est bien préservé, en particulier les nombreux appartements en bois de deux ou trois étages, dont le fameux Hongo-Kan (本郷館, à proximité de l’adresse Hongo 6-20 (本郷6丁目20). Nezu (根津) mérite aussi une courte visite. Le quartier est situé dans un petit vallon parcouru par une rue commerçante agréable qui vous amènera jusqu’à Nishi-Nippori (西日暮里).
Il faudra un peu quitter le quartier, mais le musée d’Edo Tokyo, une étrange structure qui rappelerait un dinausore ou certains engins de Star-wars, pourra compléter agréablement une viste de Shitamachi. Ce très beau musée présente la vie de Tokyo durant l’époque Edo il y a quelques siècles,et concluera de belle façon votre découverte de la ville basse.
Informations pratiques

Les lieux présentés ici méritent certainement plus d’une journée de visite.

Shitamachi Museum (下町風俗資料館): 2-1 Ueno Koen, Tokyo, 〒110-0007
台東区上野公園2番1号, Entrée : 300 Yens, ouvert tous les jours sauf le lundi et lors du congé de nouvelle année., Tel : +81 3 3823 7451 site (en japonais). A proximité de la gare de Ueno (JR Yamanote et métro lignes Hibiya (日比谷線) & Ginza (銀座線)

Edo-Tokyo Museum (江戸東京博物館): 1-4-1 Yokoami, Sumida-ku, Tokyo 130-0015, Tel 03-3626-9974, ouvert tous les jours sauf le lundi de 9.30 à 5.30 et jusqu’à 19.30 le samedi. Entrée : 600 Yens. Des guides volontaires proposent des visites intéressantes, et certains parlent même français. Accès par la ligne Sobu (総武線) et par la ligne Oedo (大江戸線), station Ryogoku (両国), site (en anglais).

Toden Arakawasen (都電荒川線): Billet adulte à 160 Yens, départs de Waseda (早稲田) ou Minowabashi (三ノ輪橋) de 6 heures du matin à 23h environ, un train toutes les 5 ou 6 minutes en heure de pointe, site (en japonais). Accès à Minowabashi par la ligne de métro Hibiya (日比谷線).

Parc Rikugien (六義園): Bunkyo-ku, Hon-Komagome, Rokuchome 〒113-0021文京区本駒込六丁目, Ouvert de 9h à 17h (dernière entrée 16h30), fermé entre le 29 décembre et le premier janvier., entrée : 300 Yens. Site (en japonais). A proximité des gares JR Yamanote de Sugamo et Komagome (駒込), aussi desservi par la ligne de métro Nanboku (南北線).

Parc Kyu-FurukawaTeien (旧古河庭園): Nishigahara Ichome, kita-ku, Tokyo 〒114-0024北区西ヶ原一丁目Ouvert de 9h à 17h (dernière entrée 16h30), fermé entre le 29 décembre et le premier janvier., entrée : 150 Yens. Site (en japonais). A proximité des gares de Komagome et Nishigaoka (ligne de métro Nanboku)


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dimanche 14 septembre 2008

Une journée à Osaka

Le Japon contemporain est résolument matérialiste, et la grande ville d’Osaka (大阪) est à la pointe de cette tendance. C’est le minimum que l’on attende d’une ville où le salut traditionnel, maintenant légèrement désuet, est « Mokarimakka ». La traduction approximative en serait « comment vont les affaires ? » ou « avez-vous fait de l’argent aujourd’hui ? », une franchise rafraichissante que j’ai retrouvé récemment dans une carte de vœux française surprenante me souhaitant « fric et santé ». Osaka a été, pendant la plus grande partie de l’histoire japonaise, le centre économique du pays. Plus que Tokyo (東京) la grande rivale, ses nombreux « villages » et ses parcs, Osaka est LA ville japonaise, dense, vivante, bruyante et tellement sympathique.
Les français peuvent difficilement imaginer la rivalité entre la région de Tokyo et la région d’Osaka. Il y a évidemment des duels sportifs en baseball entre les Yomiuri Giants (読売巨人) et les Hanshin Tigers (阪神タイガース). C’est aussi un choc de culture entre des Tokyoites sur leur quant-à-soi et des habitants d’Osaka exhubérants et adorant parler en public. L’émission Tantei Knight Scoop (探偵ナイトスクープ) produite dans le Kansai montre la nature ouverte des locaux qui se mettent volontiers en scène, apprécient l'absurde et ne se prennent pas trop au sérieux. La région se distingue aussi avec le Kansai-Ben, dialecte différent du parler d’Edo devenu japonais standard. L’on vous traitera ainsi de « Aho » à Osaka alors que vous seriez plutôt « Baka » à Tokyo, les deux termes signifiant « imbécile ». Il existe suffisamment de vocabulaire distinct pour qu’on reconnaisse immédiatement, en plus de l’accent, le natif d’Osaka.
Surtout, Osaka est au cœur de la région d’Osaka-Kobe-Kyoto(keihanshin, 京阪神) qui compte 18 millions d’habitants sur une surface équivalente à celle de la région parisienne, pour 2.6 millions d’habitants dans la ville même. Autrefois appelée « Yamato », cette plaine a été le cœur de l’histoire japonaise jusqu’à l’installation du Shogunat à Tokyo au 17ème siècle. Osaka, appelé autrefois Naniwa (難波) a même été capitale du pays. La tombe géante de l’empereur Nintoku (仁徳天皇, 4ème siècle) en forme de ‘trou de serrure’ à Sakai, est un vestige impressionant de ce passé. Si la culture de cour vient de Kyoto, Osaka n’est pas seulement un entrepot géant, il est le berceau des marionnettes bunraku (文楽), et a joué un rôle important dans l’évolution du Kabuki, une forme de théatre traditionnelle. Comme Lyon en France, le Kansai a donc le « droit d’aînesse » au Japon.
Plus récemment, la rivalité économique se retrouve dans celle entre Matsushita (松下, propriétaire des marques Panasonic et National) domicilié à Osaka et Sony, qui a son siège dans le sud de Tokyo. Osaka est aussi la ville de Sanyo, Sharp, Suntory, Daijin, Mizuno, et Zojirushi. La liste est impressionante mais la ville, très industrielle, a beaucoup souffert de la crise des années 90. Elle a par contre gardé sa réputation de lieu où l’on aime la bonne chère : Okonomiyaki(お好み焼き), Takoyaki (たこ焼) et Udon (うどん) sont parmi les spécialités locales les plus connues. Terminons en constatant que le Kansai, au contraire de la région de Tokyo, a été aménagé principalement par les compagnies de train privés, avec un résultat finalement aussi pratique que celui de la capitale.
Une visite du centre d’Osaka pourra commencer à Umeda, le quartier moderne entourant la gare d’Osaka. Au nord de la gare se trouve le centre commerçant, avec les grands magasins japonais. Au sud se trouve le quartier d’affaire avec ses immeubles modernes. On pourra marcher jusqu’au centre ville, Namba(難波), en remarquant au passage les quelques bâtiments de la première moitié du 20ème siècle qui ont survécu aux grandes catastrophes. La banque du Japon a le style néoclassique des batiments officiels du début du siècle, et le siège de la compagnie Osaka Gas(大阪ガス), un peu plus au sud est un bel exemple d’architecture des années 30. Le quartier à l’ouest de la Midosuji(御堂筋), la grande artère nord-sud agréablement plantée, est l’endroit le plus intéressant.
Le quartier de Nanba est le centre d’Osaka. Il s’étale sur les rives de la 'Dotonbori' (道頓堀). Avec ses enseignes originales, dont le célèbre crabe mécanique, c’est une métaphore du Japon matérialiste, et aussi un quartier commerçant sympathique. Ses galeries couvertes lui donnent un petit air de ville de province. C’est historiquement le quartier des distractions, et il comptait de nombreux théatres de Kabuki.
Le tour du centre ville peut se terminer à Tsutenkaku (通天閣), une tour publicitaire construite en 1956 et sponsorisée par la société Hitachi sur le site d’une réplique plus ancienne de la Tour Eiffel, détruite pendant la guerre. A proximité de la station de métro d’Ebisucho mae(恵美須町駅), c’est un très bon exemple de cette architecture de style « Showa », du nom du règne de l’empereur d’après-guerre. Celui-ci mèle le béton au métal. Après un séjour assez long au Japon, on arrive à apprécier son atmosphère désuette.
Un voyage à d’Osaka peut se compléter agréablement par la visite du parc d’attraction d’Universal Studio Japan, du chateau de la ville, reconstruction d'après-guerre offrant de belles vues sur la ville, et surtout par le superbe aquarium (Kaiyukan, 海遊館). Terminons en signalant qu’Osaka peut être une base très pratique pour visiter les villes voisines de Kyoto et Nara(奈良), en particulier pendant les périodes d’Obon ou du Golden Week, où il est impossible de trouver un hébergement à Kyoto.Les « business hotels » d’Osaka seront en revanche presque vides.

Vous pouvez continuer votre lecture en prenant le Tokaido Shinkansen, qui vous emmenera dans la région de Tokyo.

Renseignements pratiques

Accès à Osaka : vols directs depuis Paris par Airfrance (1 vol quotidien), possibilité de billets en « open jaws » (par exemple aller vers Osaka, retour depuis Tokyo) au même tarif qu’un aller retour.

Accès depuis Tokyo : Tokaido Shinkansen Nozomi : 2h36min, 14,050 Yens, Hikari 3h07, 13750 Yens. Arrivée à Shin-Osaka (新大阪) Accès rapide à Umeda, Honcho, et Namba par la ligne de métro Midosuji-sen (御堂筋線).

Accès à Kyoto : ligne Keihan (京阪線) de Yodoyabashi (淀屋橋) à Keihan Sanjo (京阪三条) en plein centre ville(51 minutes, 400 Yens), ou JR de Osaka à Kyoto (moins pratique).

Accès à l’aquarium : ligne de métro Chuo-sen, 7 minutes depuis la station Honcho jusqu’à OsakaKo (大阪港), correspondance entre la JR Loop line et la ligne Chuo à la station de Bentencho (弁天町) ou Morinomiya (森ノ宮). Ouvert de 10 heures à 8 heures, entrée Y2000 pour les adultes. Détail des horaires et activités sur le site (http://www.kaiyukan.com/eng/info/index.htm).

Accès à Universal Studio Japan Ligne : JR Yumesaki (ゆめ咲線), sortie à « JR Universal City », 5 minutes depuis la station Nishikujo (西九条) sur la ligne Osaka Kanjo (大阪環状線). Horaires et détails sur le site (http://www.usj.co.jp/e/).

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vendredi 29 août 2008

10 ans au Japon

J’ai retrouvé il y a quelques jours dans une étagère de la maison de mes parents un guide sur Tokyo datant de 1995. Je l’avais acheté pour mon premier voyage au Japon, à l’été 1998, il y a exactement 10 ans, alors jeune étudiant. Depuis, à l’exception d’une seule année, je suis toujours retourné dans le pays. J’y ai travaillé trois ans, et j’ai maintenant des attaches personnelles dans le pays. Une décennie est un bel intervalle de temps, le cinquième d’une vie adulte. Le monde et le Japon ont certainement changé, moins sans doute qu’on ne l’imagine. Surtout, mon regard sur le pays a beaucoup évolué.
L’année 1998 restera celle du match de football parfait, et sans doute la seule occasion depuis la libération de voir les français heureux sans arrières pensées. L’affaire Lewinsky battait son plein, heureuse époque où l’on ne reprochait au président des Etats-Unis qu’une gaterie incongrue avec une stagiaire. La crise financière se propageait depuis son berceau russe et asiatique. Les cause ont maintenant changé, mais ces soubresauts boursiers sont toujours d’actualité. L’inévitable ascencion économique des grands pays émergents s’est poursuivie: La Chine sera troisième économie mondiale cette année, alors qu’elle n’était que septième il y a 10 ans.
Le plus grand changement de la vie quotidienne m’est apparu en cherchant les photographies illustrant ce récit. Le numérique n'existait pas à l'époque: j’ai eu dans les mains lors de mes premiers voyagesun prototype d’appareil photo numérique offrant une résolution à peine suffisante pour des tirages petit formats. Aujourd’hui, la photographie numérique règne en maître : il est difficile d’acheter un appareil argentique. Les nostalgiques pensent peut-être à raison que les couleurs étaient plus belles alors. Le lecteur pourra en juger en comparant cet article illustré d’argentique au reste du blog illustré de numérique. Toutefois, les clichés quittaient rarement leurs encombrantes boites, alors que l’ordinateur permet une diffusion immédiate et gratuite des photographies électroniques. Les entreprises ont du s’adapter, comme cette célèbre chaîne française de magasins de photos qui fait maintenant la part belle au téléphone portable, et réserve un coin du magasin, ou parfois la cave, au tirage photographique.
N’en déplaise aux révolutionnaires de l’innovation, la photographie, complètement bouleversée en 10 ans, est un exemple rare d’évolution rapide. L’aviation a poursuivi sa lente évolution, avec des prix stables sur la période. L’aller-retour le mois chersur vol direct coûte entre 900 et 1000 Euros, soit légèrement plus qu’il y a dix ans : j’ai acheté un billet autour de 5500 francs, soit 833 Euros sur ANA (全日空) en 1998. Le comfort de vol s’est évidemment amélioré avec l’apparition des A330/340 et B777, et le développement des distractions en vol : les 747 de l’époque se contentaient parfois d’un écouter « stéthoscope » et d’une unique télévision au plafond. Le temps de vol n’a par contre pas changé.
De nombreux services Internet existaient déjà lors de mon premier voyage au Japon : l’e-mail, les forums, on disait alors newsgroup, et le web, beaucoup plus confidentiel. Il était alors le domaine des universitaires et des geeks ; la plupart des sites se distinguaient par leur affreux mauvais goût avec leurs polices mal choisies, leurs fonds à motifs et leurs animations inutiles. Le web est maintenant grand public et la présentation s’est beaucoup améliorée, peut-être une conséquence de sa féminisation. Le plus grand changement est probablement Google, le célèbre moteur de recherche (et hébergeur de ce site), qui venait juste d’être fondé l'année de mon premier séjour au Japon. En offrant une recherche efficace sur Internet, il a permis de mettre en relation directe les millions d’anonymes qui y contribuent. J’ai ainsi trouvé un peu par hasard un fil du site Ni-Channel traitant spécifiquement, et de façon peu complaisante, du projet sur lequel je travaillais au Japon. Cette puissance de recherche a encouragé le développement de forums et de sites personnels publiant gratuitement une information souvent de qualité. C’est une aide précieuse pour le voyageur : Un périple se préparait autrefois avec le guide, et les souvenirs de voyages de ses proches : il fallait être chanceux pour trouver des informations utiles sur une destination précise si elle ne faisait pas partie des grands sites touristiques. Aujourd’hui, n’importe quelle question peut être traitée de façon compétente sur un forum, et sur n’importe quel sujet, il existe certainement, en plus de Wikipedia, quelques sites ou blogs apportant des informations utiles, facilement accessibles par google.
Internet permet aussi aux expatriés d’avoir les nouvelles locales. Quand j’étais expatrié il y a trois ans, je visionnais ainsi les entraînements de mon club de football favori, et j’échappais à mes soucis de cadre au Japon en regardant les exploits de Juninho, Fred et Tiago (joueurs phares de l’Olympique Lyonnais ce cette époque). Lors de mon premier séjour, il était probablement déjà possible de trouver les résultats du football sur Internet mais c’était beaucoup plus difficile : je me souviens très bien m’être informé de l’actualité française en lisant debout les quotidiens français, et surtout, pour être honnête l’Equipe. Lire debout se dit "Tachiyomi" (立ち読み) en japonais, c'est une pratique courante et tolérée. Internet moderne, c’est aussi le téléphone gratuit international. Quelques heures de conversation avec sa famille après une semaine difficile au Japon peuvent vraiment aider à garder un équilibre.
A la fin des années 90. L’on vendait encore les PC9800, un micro-ordinateur développé par NEC, similaire au PC mais utilisant une architecture différente et des logiciels aussi distincts, avec, pour être honnête, quelques améliorations bien utiles sur la norme d’IBM. C’était sans doute un des derniers vestiges de l’époque expansioniste où le Japon pensait pouvoir tout fabriquer lui-même. Cette euphorie s’est arrêtée avec l’éclatement de la bulle en 1989. en Pourtant, en 1998, le pays était encore dans sa « décennie perdue », et l’ambiance était morose. Après avoir clamé durant les années 80 qu’il allait tout conquérir, nos intellectuels voyaient maintenant dans le Japon un malade en phase terminale, avec les tentes de sans-abris dans les parcs comme signes annonciateurs des favellas du 21ème siècle. 10 ans après, le pays est redevenu, un pays développé « banal » au pouvoir d’achat comparable aux grands pays européens tout en gardant sa culture des affaires bien distinctes. D’un côté du spectre économique, Toyota est peut-être le meilleur constructeur automobile mondial, et le secteur manufacturier japonais reste très performant : Casio, Nikon, Yamaha et Sony, pour ne citer que des exemples grands publics, sont toujours des références. De l’autre côté du spectre, certains métiers financiers sur la place de Tokyo sont entièrement assurés par des banques étrangères sans aucun acteur local. Ces dernières années ont confirmé une reprise de l’économie : il est plus facile pour les jeunes de trouver du travail, et les tentes de sans-abris sont moins nombreuses.
Les grandes villes japonaises ont beaucoup évolué durant ces dix ans. La préfecture de Tokyo (東京都, 12 millions d’habitants) a ainsi construit plus de 80 kilomètres de lignes de chemin de fer entièrement nouvelles et souvent souterraines (*). En comparaison, la région parisienne (10 millions d’habitants) n’a vu que la mise en service de 30 kilomètres de lignes (**), et ce chiffre est flatteur car plus de la moitié est constitué de tramways, construits en partiesur des voies existantes. Les nouveaux immeubles se sont multipliés aussi à Tokyo, avec en particulier un nombre important de tours comprenant un complexe bureau, un hôtel et un centre commercial. Les dix dernières années ont ainsi vu les projets majeurs des Roppongi Hills (Roppongi), de Tokyo Mid-Town(Akasaka), et des Maru-Biru (Marunouchi), ainsi que du quartier de Shiodome près de Shinbashi (13 tours en tout). Dans le même temps, la Défense a vu une dizaine de tours beaucoup plus petites se rajouter (68.000 m2 pour la Tour Granite à la Défense contre 380.000 pour les Roppongi Hills). Tokyo est, beaucoup plus que Paris, une ville encore vivante dont les infrastructures s’améliorent sans cesse. Les habitations sont de plus en plus grandes et les transports en communs de moins en moins bondés. J’ai ainsi été très surpris d’apprendre que le logement moyen à Tokyo est plus spacieux que celui de Paris. Evidemment, ces grands projets nécessitent des financements lourds et ont certainement une part de responsabilité dans l’endettement du Japon. L’immobilier perd aussi très vite sa valeur à Tokyo, un drame pour les ménages de la classe moyenne habitant en ville qui ne peuvent se constituer, génération après génération, de patrimoine significatif : l’appartement acheté par le jeune couple n’a plus aucune valeur quand la retraite commence.
Lorsque je suis arrivé au Japon, j’étais d’abord fasciné par une image idéale du pays traditionnel, rempli de Bushido (武士道, code de l'honneur traditionnel japonais), de temples en bois et de jardins zens. Plein d’enthousiasme, j’ai même lu l’intégralité du « Genji Monogatari », le premier roman japonais qui comporte pourtant quelques longeurs, et j’allais jusqu’à suivre à la télévision les séries « en habit » dont je ne comprenais pourtant a peu près rien car l’atmosphère me plaisait. Je considérais la cuisine occidentale japonisée, des Tonkatsus (豚カツ) au Omurice (オムライス) comme une trahison. Il m’a fallu un peu de temps pour autoriser le Japon à être moderne. Si la plupart des passionnés abordent le pays par les « Mangas », ces bandes dessinées japonaises aux thèmes très variés, le résultat est à peu près le même : avant de partir, on idéalise à distance un seul aspect de la vie japonaise, et l’on cherche ensuite pendant son premier voyage à plaquer la réalité du pays sur les fantasmes imaginés. Il faut un certain temps pour s’apercevoir que le Japon est une société complète, qui comprend aussi ses universitaires à la veste rapée, ses surfeurs bronzés, et ses retraités sans histoire.
Lors de mes premiers séjours, j’ai d’abord été complètement fasciné, j’admirais tout dans le pays, allant jusqu’à trouver un sens philosophique ou une esthétique cachée à la moindre publicité pour un dentifrice. J’étais persuadé d’avoir trouvé un eldorado de respect et d’harmonie, où j’allais sûrement m’installer et faire ma vie. Cela a probablement duré un an et le temps de deux voyage. Mes rêves d’intégration facile se sont brisés devant la réalité d’un pays qui offre peu d’opportunités aux jeunes étrangers ambitieux, surtout ceux qui ne parlent pas un japonais courant. Je ne blâme personne pour cela, car l’intégration de « gaijins » (外人) dans les entreprises est souvent difficile, et ceux-ci ne sont pas toujours prêt à s’adapter aux spécificités du pays. Pendant les quelques années suivantes, mon opinion pour le Japon a beaucoup baissé, ce mépris étant largement alimenté par une presse anglo-saxonne qui n’est pas tendre avec le pays. Je pensais presque que par le fait d’avoir la peau blanche et d’avoir échappé au système éducatif japonais, j’étais capable, du haut de mes 25 ans, de résoudre tous les problèmes du pays, des petits soucis de digestion causés par le manque de légumes dans l’alimentation aux créances douteuses des banques. Cela peut sembler naïf, mais c’était et c’est toujours le comportement de nombreux expatriés que je cotoie. Je pense maintenant avoir une relation plus équilibrée avec le pays : il y a deux ans, alors que ma carrière d’expatrié à Tokyo était dans une impasse et ma frustration au plus haut, j’ai décidé de revenir en Europe pour ne retourner au Japon que si les circonstances étaient favorables. J’ai aussi abandonné mes espoir d’intégration: même quand je retourne en extrême-orient, je ne cherche plus à me comporter en parfait japonais, mais je garde ma personnalité européenne. Je suis ainsi mieux accepté, et cela m’a aussi beaucoup aide à voir le Japon avec plus de recul. Depuis que j’ai renoncé à mon intégration, je pense avoir ainsi échappé à la paranoia, courante chez les résidents étrangers, qui voient du racisme et de la discrimination au moindre regard de travers dans le train.
Dans un domaine plus plaisant, mon opinion sur les jeunes femmes japonaises a aussi changé : dans les premiers temps, je trouvais toutes ces demoiselles absolument ravissantes et extraordinaires. Cet émerveillement était sans doute dû à mon enthousiasme général pour le pays, mais j’étais aussi très impressionné par le soin que les jeunes japonaises portent à leur toilette et à leur maquillage. Avec le temps, je me suis habitué à l’habileté de ces jeunes filles, et je suis maintenant de l’avis, entendu plusieurs fois, que Tokyo et Paris sont des villes de « niveau » assez comparable et plutôt haut, avec peut-être un léger avantage aux parisiennes pour leur allure. Je prie mes lectrices féminines de m’excuser de ne pas pouvoir porter de jugement sur l’élégance des jeunes japonais : le seul témoignage que je possède est celui d’une amie européenne qui trouvait beaucoup de choses à dire sur la tenue de ces messieurs lors de son arrivée au Japon mais a failli tout plaquer quelques mois après pour une relation pourtant mal engagée avec un homme du pays : je ne sais comment l’interprêter.
Le temps au Japon m'a certainement fait changé. Je suis maintenant capable de participer à la plupart des conversations en japonais. Par contre, parler le japonais ne veut pas dire le lire. Ayant été occuppé par mes obligations professionnelles, je n’ai pas consacré suffisament de temps à l’étude des kanjis, ou caractères chinois, lire un article de journal me demande donc toujours un effort infini. J’ai pu par contre apprécié la gastronomie et les arts traditionnels de ce pays qui les a peut-être mieux préservé que d’autres : le Japon a certainement contribué à affiner mon goût pour la gastronomie et les belles choses. Un séjour prolongé rend également plus exigeant sur la qualité du service : il m’arrive plus souvent de montrer mon énervement en Europe quand j’estime être mal traité. Tokyo est au centre d’une métropole dynamique de 30 millions d’habitants. Si j’apprécie le charme des villes française, je les trouve, même Paris, parfois bien mornes en comparaison : il faut bien choisir son quartier en France pour avoir des rues animées un dimanche en fin de journée. Si la France cultive les activités et les services subventionnés, tout est payant au Japon, souvent facturé au prix de revient réel : les études, la santé, les transports en commun, la culture, l’eau, et l’électricité ou les loisirs culturels et sportifs. Payer permet d’apprécier les choses à leur vrai valeur : mon séjour au Japon m’a permis de mieux apprécier les petits plaisirs de la vie quotidienne.
Le séjour dans un grand pays asiatique n’ayant aucun lien historique avec l’Europe est un excellent vaccin contre le racisme et l’ethnocentrisme : on peut avoir une peau de couleur, ne pas connaître le christianisme, ni la culture greco-romaine et être cultivé et moderne : cela semble évident pour qui connaît l’histoire du monde, mais je constate parfois que tout le monde n’a pas cette opinion. J’ai travaillé plusieurs mois dans une ambiance tendue entre occidentaux et japonais. Cette leçon grandeur nature sur la difficulté de travailler sans froisser les susceptibilités nationales m’a incité à être plus prudent dans certaines situations, avec succès pour l’instant.
Si je dois dresser un bilan, je suis très content de ces dix ans de Japon à dose raisonnable. J’ai essayé d’en faire un compte-rendu réaliste et intéressant qui pourra peut-être donner quelques repères à ceux qui se lanceront aussi à la découverte du pays.
Vous pouvez continuer votre lecture par cette plongée dans la banlieue japonaise.
Informations complémentaires

(*) Répartition des 80 kilomètres de nouvelles voies mises en service de 1998 à 2008 à Tokyo (Préfecture de Tokyo uniquement):
  • moitié sud de la Nanboku line (de yotsuya à Meguro, soit 8 kilomètres)

  • Prolongation de la Mita line de Mita à Meguro (4 kilomètres

  • mise en service de la ligne Fukutoshin d’Ikebukuro à Shibuya (9.9 kilomètres

  • mise en service de la ligne Nippori-Toneri liner (9.9 kilomètres de voie surélevée)

  • mise en service de la ligne Ooedo (de Nerima à Tocho-mae), soit 40.9 kilomètres
  • mise en service de la nouvelle ligne Tsukuba Express (15 kilomètres dans la préfecture de Tokyo)


(**) Répartition des 30 kilomètres de nouvelles voies mises en service de 1998 à 2008 en région parisienne:
  • la ligne 14 (7.5 kilomètres) de Madeleine à Bibliothèque

  • prolongation mineure de la ligne 13 (Gabriel Péri aux Courtilles, soit 2 km)

  • mise en service du RER E (nouvelles voies de Hausmann Saint-Lazare à la Gare de l’Est (environ 5 kilomètres)

  • mise en place du tramway T3 (7.9 Kilomètres), ainsi que celle du tramway T4 sur des voies existantes (7.9 kilomètres)


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