dimanche 29 novembre 2009

L'or de Kanazawa

«Un long tunnel entre les deux régions et voici qu'on était dans le pays de neige. L'horizon avait blanchi sous la ténèbre de la nuit. Le train ralentit et s'arrêta au poste d'aiguillage. ”. L'écrivain Kawabata commence par ces phrases Yukiguni (雪国), le “pays de neige”, un des plus célèbres romans japonais du dernier siècle. Aujourd'hui, le confortable Shinkansen (新幹線) rempli de skieurs a remplacé le train de nuit à vapeur, mais l'on est toujours surpris en quittant Tokyo sous le soleil de se trouver brutalement, après un tunnel, dans un paysage blanc. Après avoir changé le train, on parcours ensuite une longue vallée où les voies longent parfois des pistes de ski avant de rejoindre la plaine de la mer du Japon et d'arriver à Kanazawa, (金沢) la ville des «  ruisseaux d'or ».

La ville a la réputation d'être un petit Kyoto. Comme sa grande soeur, elle dispose en tout cas d'une superbe gare moderne. Et comme la ville du Kansai(関西), c'est d'abord une métropole vivante, avec ses avenues, ses néons et ses grands-magasins. Vous ne serez donc pas déçu d'y retrouver aussi ce béton fonctionnel et peu esthétique qui constitue l'essentiel des villes japonaises. Mais la cité a eu aussi la chance de ne pas être bombardée par les américains lors de leurs campagnes incendaires de la seconde guerre mondiale: il est amusant que les occidentaux se plaignent souvent du manque de quartiers traditionnels dans les villes japonaises alors qu'ils en sont en grande partie responsables. Kanazawa a pu garder intact de nombreux vestiges des derniers siècles. Je conseille aux voyageurs de passage dans la ville d'oublier dès la sortie de la gare le parallèle avec Kyoto, qui pourrait décevoir.

En partant de la gare, vous pouvez rejoindre les quartiers touristiques en descendant pendant une dizaine de minutes la vaste avenue qui se trouve face à vous, jusqu'au carrefour de Musashi. A mi-chemin sur la gauche se trouve la rue commerçante de Yokoyasuecho(横安江町), qui rassemble les boutiques « bobos » version japonaises: les patronnes y cultivent souvent le style « entrepôt chic », le béton nu est un favori: on y vend des accessoires souvent hétéroclites, allant des serviettes aux petites poupées, dont le seul point commun est qu'ils sont au goût de la propriétaire, souvent une femme au foyer qui tient boutique plus pour se distraire, et se créer son petit monde, que pour gagner de l'argent. C'est une partie moderne, et plutôt calme, de la ville. Au carrefour, face à vous se trouve le marché de la ville, mais vous pouvez aussi prendre à droite la grande avenue descendant vers la ville qui est le coeur du Kanazawa moderne. C'est là que se trouvent la plupart des commerces et grands magasins.

Le marché couvert d'Omi-cho (近江町市場) propose les produits locaux, dans une ambiance populaire sympathique. En saison (février et mars), les délicieux crabes géants sont la vedette incontestée. J'y ai dégusté de bons matin de délicieuses huitres juste cuites sur la braise par un marchand qui y avait installé un petit barbecue. Les poissons de la mer du Japon sont également réputés, et c'est pour cela que la ville est une des capitales du sushi au Japon. Un petit restaurant de sushi tenu par un chef de près de 80 ans, mérite le voyage pour la qualité des ingrédients, et la créativité, notamment une anguille assaisonnée d'un zeste de citron et de poivre. Il n'est pas rare que des gourmets et hommes d'affaire fassent le détour depuis Tokyo ou Osaka pour y déjeuner, à l'instar des « TGV Bocuse » du début des années 80 en France. Outre le poisson et les crustacés, la ville est aussi célèbre pour la qualité de son riz et de son Nihonshu, appelé « Sake » par les occidentaux. Au nord-est du carrefour de Musashi se trouvent deux boutiques célèbres: Fumuroya vend des petits gateaux de protéines de gluten de blé appelés Fu (麩), délicieux si bien préparés, et Tawaraya vend des confiseries japonaises traditionnelles, où le sucre est réduit en poudre. Dans les deux cas, on achète autant le goût, que la forme des aliments, préparés avec art. Ce quartier est celui des marchands, et de nombreux magasins sont encore dans des bâtiments en bois traditionnels.

Après une visite au marché, on peut rejoindre le château par de petites rues à flanc de collines. Le château de Kanazawa (金沢城) était un des plus vastes du Japon depuis sa construction au 15è siècle par le noble local, un des plus importants du pays. Il fut toutefois brûlé plusieurs fois, la dernière à la fin du 19è siècle. Dans la grande tradition japonaise des reconstructions après les catastrophes, une des ailes du château a toutefois été remarquablement restaurée avec les techniques de l'époque en 2001. La forme en losange a obligé les charpentiers à travailler les poutres dans une forme improbable, une prouesse technique.
A proximité du château se trouve le jardin de Kenrokuen (兼六園), qui était à l'origine le jardin extérieur du château. Les japonais adorent les classements, et ont décidé que ce parc faisait partie de la liste officielle des 3 plus beaux jardins du Japon (avec un celui de Mito, au nord de Tokyo, et celui d'Okayama). Les jardins japonais sont souvent petits, mais celui-ci, avec ses 10 hectares, a la surface d'un grand parc européen. Il est en particulier célèbre pour les structures de soutien en forme de parapluie (yukitsuri) des pins vénérables bordant l'étang qui leur permettent de supporter le poids de la neige en hiver sans rompre les branches. On raconte que l'étang devait surtout servir de réserve d'eau pour les douves du château, et qu'il était possible de le vider en quelques heures en cas d'urgence pour remplir les douves. Le parc comprend aussi des vergers, des étangs et des chutes d'eau.

Le quartier a proximité du parc de Kenrokuen est très agréable, car l'on est entouré par la verdure, ce qui est très rare dans les villes japonaises toujours exigues, où le moindre espace est utilisé. La ville a construit dans un des jardins un sympathique musée d'art moderne, le musée du 21ème siècle (21世紀美術館), dont la vedette est une piscine permettant de se promener sous l'eau. Une autre installation impressionante est une pièce sans toit complètement vide, qui permet d'admirer le ciel, souvent couvert, de la région. Le musée, qui faisait sans doute partie d'un des plans de relance de l'économie dans les années 90, offre une visite agréable. On ne peut toutefois s'empêcher de se demander si ce somptueux bâtiment, néanmoins très intéressant, était nécessaire dans un pays déjà sur-endetté.

En revenant vers l'est, on peut, après avoir traversé la grande avenue commerçante, rejoindre le quartier de « Nagamachi Buke Yashiki » (長町武家屋敷). A l'image du quartier de Yamanote (山の手) sous le Shogunat à Tokyo, tous les nobles de la région, appelée alors « Kaga », habitaient dans la ville de Kanazawa. Il leur était attribuée une parcelle de terrain en fonction de leur revenu, un samurai moyen recevant environ 800 m2. Entouré par deux petites rivières, l'endroit a gardé de belles rues avec des murs traditionnels entourant les vastes propriétés. Même si les constructions, pour la plupart du début du 20ème siècle, ne sont pas si anciennes; l'on se sent transporté pour quelques minutes dans l'âge des samurais et autre geishas, jusqu'à ce qu'une petite camionette chargée de gravats, ou une lycéenne beuglant dans son téléphone portable vienne malheureusement rompre le charme de l'endroit.

Pour retrouver le passé, on peut aussi rejoindre un des quartiers des plaisirs en périphérie de la ville historique. Ceux-ci comprennent des rues remarquablement conservées, dont la célèbre « Higashi-Jaya », qu'il faut regarder dans la bonne direction: une extrémité en est occupée par une boutique de coiffure des années 50 désaffectée qui rompt complètement le charme, alors que l'autre extrémité ouvre vers une plus esthétique colline. Ces quartiers datent du 17è siècle, époque où Kanazawa était la plus riche ville de province du Japon, grâce aux récoltes abondantes de riz, plus qu'aux mines d'or qui lui ont donné son nom.
Il ne reste par contre que peu de traces d'un épisode original de l'histoire de la région: Le « royaume paysan » de Ikko-ikki (一向一揆) , quand des moines de la secte bouddhique du même nom et des paysans ont pris le pouvoir à un clan affaibli lors d'une révolte populaire, et établi une république teintée de théocratie qui a duré une centaine d'années; jusqu'au début de l'unification du Japon par Toyotomi Hideyoshi.

Détails pratiques

Accès depuis Tokyo: Shinkansen MaxToki (Maxとき) jusqu'à Echigo Yuzawa(越後湯沢), puis express limité Hakutaka ( 特急はくたか), 4 heures, environ Y12410 (95 Euros), réservation recommandée

Accès au jardin Kenroku-en: de 8 à 17h en hiver (mi octobre à fin février) et de 7 à 18 heures le reste de l'année. Y300 par personne (2.5 Euros). (site en anglais : http://www.pref.ishikawa.jp/siro-niwa/kenrokuen/e/)

Accès au château: le jardin est ouvert aux mêmes horaires que le Kenroku-en. L'aile rénovée du château (Hishiyagura) se visite tous les jours, de 9 à 16h30 (dernière entrée à 16 heures) Site en anglais: http://www.pref.ishikawa.jp/siro-niwa/kanazawajou/index_e.html

Musée du 21ème siècle: Ouvert de 10 heures à 18 heures sauf le lundi, Entrée: Y 800 (6 Euros), site en anglais http://www.kanazawa21.jp/en/

Boutique et restaurant Fumuroya (不室屋) service de déjeuner de 12h à 14h et salon de thé de 14h à 15h30. Fermé le dimanche.

Restaurant de sushi gastronomique Komatsu Yasuke (小松弥助), ouvert tous les jours de 11h30 jusqu'à épuisement du stock (souvent autour de 15 ou 16 heures), réservation de rigueur. Tel: 076-261-6809, Adresse: Apa Hotel Rez de Chaussée, Ikeda-Cho 2-21-1, Kanazawa (石川県金沢市池田町二番丁21-1 アパホテル 1F), prix autour de Y10.000 (75€) par personne, fermé le mardi et le mercredi


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dimanche 13 septembre 2009

Doit-on plaindre ceux qui gagnent les élections ?

Dans le quartier chic et légèrement canaille d'Akasaka, les belles voitures sont courantes, souvent noires et aux vitres teintées. Mais je fus surpris de devoir céder le passage à une superbe Rolls-Royce blanche dont l'autoradio inondait la rue de musique disco. Elle était conduite par un homme d'âge mûr souriant et excentrique. Les portes étaient décorées du slogan « Sumairutoo » (スマイル党), le parti du sourire. J'ai ensuite appris qu'il s'agissait de « Mac Akasaka », le responsable et unique candidat du parti qui a mené une campagne sur le thème « Arrêtons de faire la gueule, sourions, et soyons moins stressé ». Des idées plus dangereuses et moins utiles ont porté leur candidat au pouvoir. Mais assez injustement, notre sympathique Mac n'a pas dépassé les 1000 voix dans une circonscription par ailleurs remportée par le parti démocrate(民主党). Ce groupe a obtenu la majorité absolue dans le pays, et pour la première fois depuis 53 ans, le parti libéral démocrate (自民党) sera écarté durablement du pouvoir. Un tel événement aurait provoqué de grandes fêtes populaires en Europe. Pourtant, le soir de l'élection, il n'y a eu aucun signe de joie au Japon.
Le désintérêt relatif des japonais pour la politique frappe beaucoup de visiteurs étrangers. Les derniers potins du gouvernement ne sont certainement pas un sujet de conversation, et d'une façon générale, les japonais ont peu d'intérêt pour les idéologies. Ni le marxisme, ni l'idéal d'un âge d'or conservateur chrétien, ciments des traditions politiques en Europe n'y font recette. Il y a dans une certaine mesure deux France, de gauche et de droite, avec pour chacune leurs élites et leurs classes populaires : leur rivalité rappelle parfois celle entre clubs de football. Cette distinction n'existe pas au Japon. Il serait ainsi complètement incongru de demander à un artiste s'il est « de gauche » ou « de droite ».
Pourtant, il serait faux de croire que les japonais sont trop respectueux de l'harmonie sociale pour avoir des opinions politiques . Ils ont même la critique facile, parfois cruelle. En entreprise ou dans leur voisinage, les japonais aiment commenter et donner leur avis, en critiquant parfois sans ménagement. Cela s'étend d'ailleurs à la politique locale: les premiers mouvements de contestation du parti au pouvoir ont souvent eu lieu dans les années 90 lors de l'opposition de la population à des projets discutables, comme la construction de barrages sur la dernière grande rivière sauvage du pays dans la préfecture de Tokushima (徳島), ou la construction d'un pont de style français au coeur de Kyoto (京都). Les grands scandales de corruption, comme l'affaire Lockheed dans les années 70, ont aussi parfois temporairement mis à mal le pouvoir, mais il a toujours su, jusque dans les années 90, se renouveler.
Si le parti libéral démocrate a gardé le pouvoir pendant 53 ans, à l'exception de quelques mois en 1993, c'est d'abord parce que le pays a été remarquablement gouverné jusqu'au milieu des années 80 par une administration efficace travaillant en symbiose avec les politiques et les grandes entreprises. Tout n'était pas parfait dans le Japon de la fin des années, 80, mais le pays était prospère, plutôt égalitaire et très sûr: de quoi être l'envie du reste du monde. Le contexte de guerre froide fut aussi très concret au Japon, un pays qui partage des frontières maritimes avec la Chine et la Russie, et qui a subi les raids réguliers de commandos nord-coréen kidnappant des citoyens sur la rive de la Mer du Japon. Le parti libéral-démocrate, garant de l'alliance américaine, rassurait face à une opposition plus aventureuse diplomatiquement. Il y avait aussi une certaine forme d'alternance en fonction du poids des différentes factions qui donnait une obligation de résultats: une équipe médiocre aurait très vite fait chuter sa faction à l'intérieur du parti. les chefs de faction avaient ainsi le pouvoir de démettre les premiers ministres. Un autre facteur de longévité est le réseau de « clients » du partis, en particulier dans les zones rurales: un député qui amenait des subventions a sa circonscription était tout naturellement réélu. C'était aussi une sorte de redistribution : les grands projets de construction donnaient du travail aux ouvriers, et les subventions agricoles amélioraient le sort de paysans peu fortunés. Le parti a aussi prolongé son règne par son alliance avec le Komeito, un parti religieux bouddhiste qui dispose d'un corps éléctoral limité mais très fidèle.
Le système a plutôt bien fonctionné jusqu'en 1991, où un premier ministre pourtant populaire, Toshiki Kaifu (海部 俊樹), n'a pu passer un plan de réforme sans doute nécessaire, car sa faction n'avait pas assez d'influence au sein du parti. Une autre occasion peut-être manquée est l'échec de l'introduction de primaires en 1978. Devant les ressentiments générés, le parti est vite revenu aux arrangements à l'amiable pour désigner ses responsables. Le parti libéral démocrate n'a pas su non plus utiliser la popularité de Junichiro Koizumi, premier ministre de 2001 à 2006, avec un programme libéral et modérément nationaliste. Trois premiers ministres se sont succédés depuis de façon chaotique.
S'il a fallu presque 20 ans après le début de la crise en 1989 pour que le parti libéral démocrate perde le pouvoir, c'est aussi parce que l'opposition a eu beaucoup de mal à s'organiser. Leurs partis n'avaient pas forcément de pression pour devenir responsables quand ils étaient condamnée à une opposition permanente, ce qui laissait libre cours aux aventures individuelles, et à la valse destructrice des egos. Le parti démocrate est ainsi seulement né en 1998 de la fusion de petits partis d'opposition, et n'existe dans sa forme actuelle que depuis qu'il a incorporé en 2003 des dissidents du parti au pouvoir.
Cela explique sans doute pourquoi l'arrivée au pouvoir du parti démocrate ne soulève pas l'enthousiasme des foules: le parti n'a pas toujours une idéologie claire, et il Il a une structure de pouvoir complexe: si Yukio Hatoyama (鳩山由紀夫) sera premier ministre, Ichiro Ozawa (小沢一郎), un ancien dissident de l'autre bord, est maintenant le maitre réel, dans l'ombre, du parti. Ses dirigeants font également largement parti du milieu de la politique japonaise: Yukio Hatoyama est le petit fils d'un premier ministre, le fils d'un ministre des affaires étrangères, il est aussi affilié par sa mère à la famille d'industriels Ishibashi (石橋), propriétaires de la marque Bridgestone. On comprend pourquoi la plupart des japonais, même s'ils ont voté pour l'opposition, furent très sceptiques sur le programme du parti démocrate. Celui-ci promet d'ailleurs beaucoup aux électeurs, sans expliquer forcément d'où viendra l'argent, dans un pays très endetté: les emprunts de l'état représentent presque 200% du PIB, plus de deux fois le ratio français. Un autre facteur de scepticisme est le pouvoir que garderont les hauts fonctionnaires largement responsables des politiques actuelles. Le nouveau gouvernement aura besoin de ces bureaucrates pour gouverner, car la plupart des ministres manqueront d'expérience dans leur domaine. Réussir à faire changer la haute fonction publique sans se l'aliéner demandera sans doute une grande finesse politique.
Avec toutes ces réserves, l'alternance reste un grand événement. Si aucun des deux grands partis n'implose, un risque toujours présent, le Japon aura un système politique mature, avec deux partis de gouvernement alternant au pouvoir, ce qu'Ozawa a souhaité depuis le début des années 90. C'est le système le plus efficace dans toutes les grandes démocraties, et cela le sera sans doute aussi au Japon.
Beaucoup pensent que le nouveau gouvernement a correctement identifié les points faibles du pays: il promet ainsi de renforcer le système de sécurité sociale japonaise: ce dernier est très incomplet et oblige les particuliers à beaucoup épargner en cas de coup dur, limitant ainsi la consommation. Outre les conséquences humaines dramatiques dans certain cas, cela rend le pays trop sensible aux exportations: ainsi, cette année, l'économie japonaise devrait se contracter de plus de 6% quand la France subira sans doute moins de 3% de récession. Le coût de l'éducation des enfants, seulement en partie pris en charge par l'état, est aussi un frein à la natalité. Le financement de cette nouvelle protection sociale n'est toutefois pas du tout assuré: les promesses d'économies basées sur l'élimination des gaspillages actuels du gouvernement semblent très aléatoires. Sur certains points, la politique proposée n'est pas facile à comprendre: le nouveau gouvernement se veut écologique, mais propose de baisser la taxe sur les carburants, et de supprimer le péage des autoroutes.
Le succès de ces réformes nécessaires n'est pas assuré: l'histoire du Japon est fait de périodes de repli vers le passé, et donc de lent déclin relatif, suivi par des phases de réformes rapides et efficaces, souvent après une humiliation nationale. Ces transformations n'ont jamais été le fait de révoltes populaires, mais sont toujours venues d'une partie clairvoyante de l'élite. L'année prochaine, la Chine devrait dépasser le Japon pour devenir la deuxième économie mondiale, cela pourrait être l'électrochoc dont le pays a besoin pour décider de se moderniser.
Résultat des élections japonaises (sur 480 sièges, majorité absolue à 241 sièges)

Majorité

Parti démocratique du Japon: 308 sièges (+ 195)
Parti social démocrate: 7 sièges (=)
Nouveau parti des citoyens: 3 sièges (-1)

Opposition:

Parti libéral démocrate: 111 sièges (-177)
Nouveau parti « Komeito »: 21 sièges (-10)

Partis indépendants:
Parti communiste japonais: 9 sièges (=)
Parti de tout le monde: 5 sièges
Indépendants: 8 sièges
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dimanche 30 août 2009

Pourquoi nous sommes tous partis

Il y a un peu plus de cinq ans, j'étais salarié d'une entreprise japonaise, et j'habitais dans un appartement de la banlieue de Tokyo (東京). Je retrouvais certains soirs un petit groupe d'amis français aussi installés dans le pays. Nous étions jeunes, joyeux et de bonne volonté: nous souhaitions vraiment nous intégrer dans un pays passionnant et agréable à vivre. Pourtant, nous sommes rentrés plus tôt que prévu en Europe. De passage le mois dernier, j'ai diné à Ginza (銀座) avec le dernier encore présent. Il m'a annoncé qu'il revenait en France à la fin de l'été. Nous sommes donc maintenant tous partis du Japon, et voici pourquoi.
Pour certains, le pays n'était de toute façon qu'une escale souhaitée la plus courte possible. Tokyo comprend en particulier une large communauté de banquiers français spécialistes des produits dérivés, une branche élaborée de la finance que les établissements japonais pratiquent peu. La ville fait partie du parcours initiatique de la profession et n'a pas bonne réputation: Tokyo a moins de charme au premier abord que Paris ou New-York. Et sans parler japonais, les financiers restent confiné à la communauté anglo-saxonne centrée autour de Roppongi (六本木), avec ses magasins, ses restaurants et ses bars. Au travail, leur seul contact avec les locaux est la secrétaire japonaise qui a préparé le visa, trouvé leur appartement, et leur réserve parfois un taxi. C'est un petit monde dans lequel on étouffe vite, et les frustration se changent souvent en mépris pour le pays d'accueil.
Notre groupe comportait quelques banquiers. Toutefois, la plupart d'entre nous avions appris le japonais durant nos études, et étions volontairement venu au Japon comme expatriés ou chercheurs. Nous avons tous aimé la vie de jeune adulte à Tokyo: la ville est sûre, propre, et encore vivante même un dimanche vers 21 heures, les soirées en Izakayas (居酒屋), ces pubs japonais qui offrent une cuisine de bar variée bien arrosée à prix modiques, sont toujours sympathiques. Akihabara (秋葉原), le quartier de l'électronique, dispose des derniers modèles d'appareil photo à prix intéressants. Une grosse heure de train de banlieue vous amène dans des vallées de montagne reculées, au bord de la mer, ou dans un onsen (温泉). Tokyo est aussi une des premières étapes de toutes les tournées culturelles et musicales mondiales. Souvent, l'intégration dans la vie de son quartier se passe bien: j'avais raconté dans un récit précédent comment un voisin m'avait emmené chasser les pousses de bambous, et la plupart avaient des anecdotes similaires.
Nos journées en semaine étaient souvent plus difficiles. Les chercheurs n'étaient pas les plus à plaindre: le travail est souvent en anglais, et les sciences nécessitent moins d'interactions avec les collègues. Les postes d'enseignants semblent aussi poser moins de difficulté d'intégration. Toutefois, mes amis scientifiques avaient un statut précaire, et aucune possibilité d'évoluer vers l'encadrement, strictement réservés aux japonais. Ils s'en sont lassés de cela à un moment: après 5 ou 10 ans, la plupart ont préféré revenir dans des laboratoires ou des entreprises occidentales, souvent pour un poste de responsabilité.
Les expatriés évoluaient dans le monde des gaishikeis (外資系), les filiales d'entreprises internationales au Japon. Les employés y sont japonais, avec souvent quelques postes de responsabilité occupés par des occidentaux de la maison mère. Ces derniers ont souvent un contrôle très relatif de ce qui se passe dans leur entreprise, les japonais estiment, parfois à juste titre, qu'ils connaissent mieux le marché local, et n'ont souvent pas envie d'investir dans une relation avec ces dirigeants qui de toute façon repartiront au bout de deux ou trois ans. Jeunes cadres et ingénieurs, nous étions intégrés à des équipes principalement locales. Le travail à l'étranger n'est jamais facile, et nous ne parlions pas tous un japonais parfait. Néanmoins, nous passions la majorité de notre temps à gérer le choc culturel. Il fallait déployer une énergie incroyable pour ne pas être mis de côté, et n'importe quelle discussion devenait interminable. Les collègues occidentaux ayant étudié dans les universités japonaises et parfaitement bilingues étaient souvent confrontés au mêmes difficultés, la barrière n'était donc pas seulement due à la langue. La tension était souvent palpable dès l'arrivée au bureau le matin. Nous avions parfois le soutien des cadres dirigeants de l'entreprise, mais celui-ci est à double tranchant: il n'est jamais bon d'être le « fayot » de service. Et ce soutien n'est pas éternel. Le scénario classique est le suivant: un grand groupe envoie un dirigeant brillant au Japon pour transformer et mieux contrôler la filiale japonaise. Mais après deux ou trois ans de succès mitigés, ce dernier rentrera au pays, et on, laissera les japonais gérer leurs affaires eux-même. Dès que le dirigeant occidental aura mis le pied dans l'avion pour retourner au pays, les règlements de compte commenceront.
Jeunes hommes blancs pour la plupart, nous étions pour la première fois confrontés à des remarques racistes. Que celles ci viennent d'hommes âgés, souvent alcooliques, ne surprenait pas. Mais un nombre important de jeunes collègues ouverts et cultivés, ayant souvent étudié à l'étranger, avaient des réflexions similaires dès qu'ils avaient bu quelques verres, notamment le fameux « yappari Nihon ha ichiban やっぱり日本は一番» soit « le Japon est vraiment le premier ». Tout ceci est enrichissant, mais aussi très fatigant. Il vient aussi un moment où l'on souhaite progresser dans sa carrière, et il faut pour cela exercer son métier et développer ses compétences, pas passer son temps à négocier avec ses collègues japonais, et gérer le fossé culturel. Quand un chasseur de tête ou un ancien collègue resté en France appelle pour proposer une opportunité eu Europe, la décision de rentrer est souvent évidente, même si c'est toujours avec un petit pincement au cœur que l'on abandonne une vie quotidienne sympathique.

Les difficultés professionnelles sont sans doute au cœur des départs. Toutefois, même avec un bon travail, fonder une famille au Japon peut être effrayant pour ceux qui ne disposent pas de moyens financiers importants, C'est en particulier le cas de ceux qui ont un contrat de travail local sans avantages particuliers, qui devient la rêgle dès que l'on souhaite s'installer sur place: on ne peut être expatrié à vie. On pourra souhaiter que ses enfants aient une éducation française, mais le lycée qui offre cet enseignement est très onéreux. Si l'on accepte qu'ils fréquentent le système japonais, on aura souvent peur des histoires de violence scolaires (ijime - いじめ), y compris dans certains établissements du centre de Tokyo. De nombreux parents japonais préfèrent pour cela le privé. Et on peut aussi hésiter à faire subir à ses enfants les trois années de lycée qui sont peut-être plus intenses que les classes préparatoires françaises, et un passage obligé pour les enfants, et les parents, ambitieux. La retraite inquiète aussi: on cotise à la retraite publique dont on sent qu'elle est, avec la démographie en berne, à fond perdu. Il faudra donc penser à une retraite privée. Et si l'on investit dans une résidence principale, elle ne vaudra souvent plus rien, et sera même peut-être dangereuse 30 ans après: le bien ne pourra donc être revendu ou loué pour constituer un complément de revenu. Nous avons tous bien senti que notre vie éventuelle de parent et de retraité au Japon serait beaucoup moins agréable que la condition de jeune célibataire pour laquelle Tokyo est un paradis. Cela serait d'autant plus vrai que notre carrière stagnerait, ce qui nous semblait probable.
Il existe d'autres parcours au Japon: en particulier, de nombreux français et surtout anglo-saxons vivent de « petits boulots », le plus connu étant sans doute professeur de conversation. Ces derniers se contentent d'une existence de banlieusard peu fortuné, plus agréable au moins au début sur certains plans à Tokyo qu'en France. D'autres ont monté leur petite entreprise, et sont arrivés à se créer une petite situation. Mais malgré quelques exceptions, les exemples d'intégration réussies sont très rares, et nécessitent de sortir des sentiers battus. Parmi la quinzaine de membres de mon groupes d'amis, tout le monde est reparti. Peut-être avons nous préféré quitter le Japon "en bons termes" plutôt que nous contraindre à un séjour difficile qui nous aurait certainement rendu aigri envers notre pays d'accueil.
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dimanche 16 août 2009

Quand la terre tremble

Les habitants de Tokyo (東京) vivent dans la peur d'un tremblement de terre majeur qui ferait certainement des dégâts énormes. Mais c'est dans la region de Shizuoka (静岡) au pied du Mont Fuji (富士山) que votre serviteur a vécu un tremblement de terre significatif lors d’une sortie avec un groupe d'amis japonais. Mardi matin (11 août), vers 5 heures, nous avons été réveillé par les une forte secousse verticale suivie de tremblements longs et suffisamment forts pour faire tomber des objets posés sur une table. Ces mouvements sont accompagnés de grincements souvent plus inquiétants que la secousse. Nous étions mal réveilles et relativement rassurés par l'hôtel récent dans lequel nous nous trouvions. Mais la minute que dure le séisme est suffisamment longue pour s’inquiéter des membres de sa famille dans un endroit moins sûr, et même un peu de ces assiettes fragiles entreposées de façon bien imprudente sur le bord de la table à la maison.
Pour ceux qui sont chez eux, le premier réflexe est de couper le gaz, puis d'aller se mettre à l'abri dans un endroit qui ne craint pas les chutes d'objet, en priant pour que le bâtiment ne s'écroule pas. Tout le monde n'est en effet pas égal devant les séismes. Les personnes âgées habitent souvent des maisons en bois qui datent de leur mariage il y a une cinquantaine d'années. Les appartements en préfabriqués bon marchés (アパート) dans lesquels les jeunes et les plus modestes habitent souvent sont aussi plus exposés, les grandes structures modernes récentes (hôtels et bureaux) sont en principe sûres.
Dès la fin de la secousse, la télévision diffuse immédiatement des informations sur le séisme, et en particulier sur les risques de raz de marée. Dans ce cas, les risques étaient faibles, et l'amplitude du tremblement de terre relativement importante sans être catastrophique (6.5 environ). Puis, tout le monde a appelé ou envoyé des SMS à sa famille pour vérifier que tout allait bien. Ensuite, comme il n'a pas été donné de signes d'évacuation de l'hôtel, tout le monde s'est rendormi.
Au réveil, nous en avons appris plus sur les dégats. Le plus important est un glissement de terrain qui a emporté une des voies de l'autoroute Tomei (東名高速道路) reliant Tokyo à Nagoya, la plus importante du pays, quelques jours avant le grand chassé-croisé de l'été japonais. Il y a eu également quelques alertes au gaz dans le centre de Shizuoka, et quelques milliers de foyers privés d'eau pendant quelques jours. Les plus prudents avaient suivi la coutume qui veut que l'on ait toujours de l'eau chez soi, en gardant par exemple sa baignoire pleine en permanence. De façon plus anecdotique, un pan du mur d'enceinte du château de Sunpu (駿府城) dans la même ville s'est écroulée. Il semble que ces murs, souvent reconstruits, ne soient pas aussi solides qu'ils en aient l'air. Dans les jours suivants, car il faut du temps pour évaluer les dégâts quartier par quartier, nous avons appris que quelques milliers de maisons ont subi des dommages allant jusqu'à la chute des tuiles du toit. La plupart des magasins sentaient l'alcool car de nombreuses bouteilles en verre n'ont pas résisté aux secousses. Quelques cavistes ont vu toutes les marchandises exposées détruites. Il y a eu environ deux cents blessés et un mort dont la cause semble liée au séisme. Sans doute plus impressionnant, le tremblement de terre fut finalement moins destructeur que les inondations dans l'arrière-pays de Kobe (神戸) la semaine précédente, et causées par un petit typhon(台風) se déplaçant lentement, et donc provoquant des pluies trop longues.
Nous devions ensuite prendre le train rapide (Shinkansen 新幹線) pour rejoindre l'ouest du Japon. Ce service est légendaire pour sa ponctualité, et l'on peut d'habitude régler sa montre à la seconde près sur l'arrivée des trains en gare. Il a cependant bien fallu faire les vérifications nécessaires sur la ligne, et le service n'a repris que vers midi sur la ligne avec quatre heures de retard sur l'horaire. Nous sommes arrivés en gare vers 14 heures, et avons attendu une demi-heure qu'un train arrive. Nous avons failli trouver une place assise, mais sommes finalement resté debout jusqu'à notre gare de correspondance. A notre arrivée, nous nous sommes rendus au guichet où l'employé nous a remboursé une partie du prix du billet en s'excusant très poliment de nous avoir obligé à voyager debout.
Le soir du 15 août, l'autoroute est enfin réparée, après que les travaux aient pris plusieurs fois du retard, le terrain étant plus meuble que prévu. Pour la plupart des habitants de la région, ce séisme a rendu plus concret le risque de tremblement de terre que tout le monde connait. Beaucoup ont sans doute passé du temps à fixer les placards et étagères, ainsi qu'à coller du film plastique transparent sur les vitres. Celui-ci empêche le verre brisé de tomber, et limite les risques de blessure. Le mur du château, lui, sera reconstruit plus tard. Notre hôtel a de son côté rajouté bien en vue sur sa page internet des explications sur la résistance exceptionnelle de son bâtiment au séisme, un retour aux affaires bien rassurant.
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vendredi 27 mars 2009

L'art de la fraise

Le spectacle est surprenant. En hiver et au début du printemps, de nombreux cars quittent les centre-villes et se rendent dans de petits villages de campagnes. Souvent, sur le parking, de charmantes dames avec un beau chapeau en forme de fraise les accueillent, sans doute les filles et tantes du paysan réquisitionnées pour la pleine saison. Une fois descendu du car, ils reçoivent un gobelet de lait sucré, et s’enferment pendant 20 à 30 minutes dans des serres en vinyle. Il s’agit du rituel de l’Ichigo Gari (苺狩り), ou l’orgie de fraises.
Les japonais cultivent les fraises sous serre pendant l’hiver. L’ensoleillement souvent excellent de cette période, et les températures plutôt clémentes permettent aux marchés du pays de recevoir, dès la mi-janvier, ces délicieux fruits souvent dégustés en patisserie. Une des plus populaires est l’Ichigo Short cake (苺ショートケーキ), une sorte de fraisier. De nombreuses japonaises considèrent que la fraise est le plus « mignon » des fruits, le caractère fraise (苺) est d’ailleurs depuis quelques années autorisé pour les prénoms, et semblent connaître un certain succès : quoi de plus mignon que de nommer Ichigo-chan sa petite fille.
Toutefois, les vrais amateurs se rendent dans les Ichigo Gari à la campagne. On peut en effet privatiser sa section de serre, environ 1 mètre par personne, soigneusement délimités par l’huissier aux fraises. Celles-ci poussent souvent sur de petites terasses artificielles sur deux ou trois rangées. Les plants donnent des fruits en continu pendant la saison, et lorsque l’on déguste ses fraises, on peut souvent voir d’autres tiges en fleur. Ce n’est pas bon marché puisqu’il en coûte souvent environ 1800 Yens (15 Euros) par personne.
Les fêtards disposent alors de 20 à 30 minutes pour ravager la récolte, en se remplissant la panse de ces délicieux fruits. L’auteur de ce blog en a mangé une bonne soixantaine de taille respectable. Même avec ce bon apétit, le tarif d’entrée peut sembler important. Mais les fraises mangées sur l’arbre sont beaucoup plus goûteuses, et sucrées, que celles du commerce, car elles ont muries sur leur tige, et pas dans les méandres des circuits de distribution des supermarchés.
Les amateurs de fruits peuvent aussi se rendre au Budogari (ぶどう狩りraisin à volonté, entre août et septembre), kinokogari (きのこ狩り, champignons à volonté, à l’automne), nashigari (梨狩りpoires à volonté, entre août et novembre), ou miikangari (みかん狩り, en hiver), mais ceux –ci sont plus confidentiels. Les sakuranbogari (さくらんぼ狩り, cerises à volonté) ont par contre plus de succès. On se prend à rêver qu’avec la crise, certains agrigulteurs français organiseront des journées « open verger » dans nos plus beaux terroirs : abricots et pêches du sud de la France feraient des « gari » fabuleux.

Informations complémentaires

Le site Rurunbu (http://www.rurubu.com/season/winter/ichigo/) présénte une liste importantes de « spots » d’Ichigo Gari. Le site « mapple » (http://www.mapple.net/sp_mikaku/kaki.asp) présente quelques adresses de gari. La pleine saison des Ichigo Gari est de janvier à mars autour de Tokyo.
Vous pouvez continuer cette lecture champêtre en partant à la chasse aux pousses de bambou
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dimanche 1 mars 2009

Les quatre saveurs du Japon

Le premier écrit de ce blog décrivait le Japon en 3 chiffres, une introduction que certains ont sans doute trouvé froide. Cet article propose de définit le Japon par des « saveurs ». Si je devais ainsi résumer Paris en quelques sensations à la manière d’un haiku, je mentionnerais probablement son mobilier urbain rétro aux teintes marron, ses pavés, ses toits en zinc, le carrelage et l’odeur du métro. Le Japon a lui-aussi ses sensations caractéristiques, j’ai ainsi choisi de vous parler du pouvoir du Yen, du « rétro moderne », du béton chaotique et la forêt.
Le pays du soleil levant est, plus que la France, un endroit où tout est payant. Jeune étudiant arrivant de France et habitué aux « cartes 12/25 » et aux bons plans, j’ai découvert un pays où 300 kilomètres de train ordinaire coûtaient forcément 50 Euros, où l’entrée à un musée représentait au souvent une dizaine d’euros (étudiant ou pas), où même les auberges de jeunesse coûtent relativement cher, et où l’abonnement pour le travail s’arrêtait juste à la station nécessaire, charge à moi de payer un supplément si je souhaitais aller faire des courses dans le quartier voisin le week-end. Les « bons plans » français ont certainement leur avantage, mais j’ai appris à apprécier la vie quotidienne surtout au Japon : on regarde avec plus d’attention les paysages par la fenêtre quand le train est cher, et on apprécie plus une balade dans un quartier voisin qui coûtera 1000 yens (7 euros) l’aller-retour que si on utilise simplement sa carte orange « professionnelle ». J’ai aussi fait connaissance avec les « jardins payants » (le Shinjuku-Gyoen 新宿御苑 par exemple) qui m’a appris à apprécier l’effort fait à développer des espaces verts. Je regarde maintenant le vénérable (et gratuit) parc de la tête d’or de Lyon comme une merveille, alors que c’était seulement banal pour moi. J’apprécie d’autant plus de dépenser au Japon que la qualité du service est excellente, que ce soit la nourriture servie (même pour un modeste plat de nouilles), la propreté des bâtiments et des espaces publics, ou par l’arrivée des trains à l’heure. Il y a bien entendu des exceptions, mais les clients sont presque toujours mieux traités qu’en Europe ou aux Etats-Unis. On voyage ainsi l’esprit tranquille, en étant toujours sûr d’en avoir pour son argent. Le Japon procure la sensation agréable d’une machine bien huilée qui, pouvu que l’on mette des pièces dedans, produira toujours ce que l’on a commandé.
Nous arrivons souvent au Japon en espérant y trouver des villes futuristes. Pourtant, un des charmes du Japon est le « rétro moderne » : la présence d’objets ou de tenues très inspirées de quelques décennies en arrière. Des amis d’Outre Atlantique m’ont confié qu’ils retrouvent dans certains aspects du Japon contemporain leur Amérique des années 50, avec quelques évolutions, et un niveau de service excellent. Les mangas sont peut-être le meilleur exemple, adaptation réussie des « comic strips » des années 50, tombés depuis en désuétudes aux US, mais toujours très actifs au Japon. Les costumes des « filles d’ascenceur » et leur chapeau de « groom », ou même des vendeuses de boisson dans le Shinkansen et leurs petits tabliers en sont de bons exemples. Les taxis de Tokyo ont également un petit air de Mercédes des années 80, d’autant plus que leur ligne plutôt carrée est souvent accentuée par des couleurs un peu rétro, comme un assortiment d’un orange pale et de liserés rouges, et parfois de petits protège-siège en dentelles.
Les rames de train de banlieue de série 201 (201系) de style résolument « acier carré »ont aussi leur charme. Bien qu’elles aient maintenant disparu des lignes Chuo (中央線) et Sobu (総武線) à Tokyo, il en reste quelques unes dans la région d’Osaka. Les habitants du Kansai apprécieront sans doute aussi lees rames bleues et vertes dela ligne Keihan (京阪電車), dont la ligne arrondie rappelle les premiers trains électriques. Dans le centre de Tokyo, le quartier de Marunouchi rappelle beaucoup, en plus moderne, le style de building « Chicago » des années 1900 aux Etats-Unis (voir par exemple le Monadnock Building à Chicago , ou le Marshall Field and Company Building), tous deux datant de la fin du 19ème siècle).
Un aspect caractéristique du Japon est la totale liberté architecturale laissée aux propriétaires de parcelles de terrain. Ce grand respect de la propritété foncière permet les styles les plus fous. Il permet aussi un style « béton provisoire » sans complexe qui n’est pas forcément synonyme à Tokyo de logement social bon marché. Les structures les plus anciennes sont maintenant noircies d’humidité, et peuvent rappeler les immeubles de Bombay.

Ils sont aussi un rappel de ce que le Japon était, dans les années 1960 et 1970, encore un pays au niveau de vie « intermédiaire ». En 1960, le niveau de vie du Japon (PIB par habitant) se situe à la 29ème place entre la Jamaique et l’Uruguay, en 1972 à la 24ème place entre l’Angleterre alors en crise et l’Italie en transition. Le Japon est seulement un pays riche depuis le milieu des années 80, étant classé à cette époque à la 9ème place mondiale entre le Danemark et les Etats-Unis plus récemment. Les immeubles plus récents s’autorisent des folies stylistiques plus ou moins heureuses, mais qui font toujours espérer une surprise lors d’une promenade en ville. Le résultat est une mosaïque de « pop-art » géante qui n’est pas désagréable. Dans ce chaos, les lignes de téléphone et d’électricité ont une place spéciale : par souci d’économie, et pour faciliter les remises en service après les tremblements de terre, la plupart de ces lignes sont encore aériennes, et les poteaux se transforment en une grappe de transformateurs et de cables.
La forêt est, comme le béton, une texture de base de la géographie japonaise. Est-ce la lumière plus vive au pays du soleil levant, est ce les essences particulières. La forêt a en tout cas un grain particulier ici, et sert de toile de fond seyante à la plupart de la vie dans le pays, que ce soient les collines qui entourent Kyoto, ou les falaises de la péninsule d’Izu. Ces montagnes sont d’ailleurs les derniers espaces sauvages du pays, et les seuls qui s’offrent au randonneur qui souhaite échapper aux villes.
La forêt est souvent au cœur des temples et sanctuaires japonais, et est mise en scêne avec talent, en jouant sur les essences, les tapis de mousse, et le contraste entre la texture des pierres et des végétaux. Le temps au Japon est différent de celui de l’Europe et une des joies du pays est de profiter de grandes journées d’automne et de printemps ensoleillées. Certains arbres n’ont certes plus leurs feuilles, mais l’air clair permet souvent d’apercevoir les montagnes enneigées qui entourent l’agglomération de Tokyo.
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vendredi 13 février 2009

Excuses aux lecteurs

Comme vous l’avez constaté, je n’ai pu publier de nouvel article durant les deux derniers mois, et je vous prie d’accepter mes excuses pour cela. L’écriture d’un blog est une aventure passionante, l’interaction avec les lecteurs est toujours un plaisir et je suis certainement ravi que plusieurs articles aient eu une audience proche de celle d’un premier roman.
Ce site a représenté un travail régulier et important pour moi, et j’ai publié régulièrement 2 ou 3 récits par mois jusqu’en décembre 2008. Toutefois, le temps n’est pas infini, et j’ai eu à traiter ces dernières semaines d’affaires urgentes à la fois professionnelles et personnelles. J’ai donc sans aucune hésitation sacrifié l’écriture de ce blog, qui reste seulement un loisir.
J’ai sans doute touché une des limites de l’Internet 2.0 : celui-ci permet de publier presque gratuitement, mais il n’existe pas à ma connaissance de modèle permettant d’évoluer vers des structures semi-professionnelles qui offrent une compensation raisonnable pour le temps passé à créer du contenu de « qualité ». Tout est probablement encore à inventer, un bon sujet pour les plus entrepreneurs d’entre nous.
Je vais continuer à publier à mon rythme des récits sur le Japon qui me passionne toujours autant, et j’espère que mes lecteurs seront indulgents, et me pardonneront mon inconstance.
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