dimanche 16 mars 2008

A l'ombre des cerisiers en fleur

Le printemps est d’abord annoncé au Japon par la floraison des pruniers « ume » (梅), mais les cerisiers « sakuras » (桜), plus spectaculaires, ont les faveurs des japonais. Pendant une semaine, les arbres se couvrent entièrement d’élégants pétale rose pâle. Dans le centre du pays, la saison des cerisiers est aussi celle des grands changements : rentrée des classes et mutations dans les entreprises. L’arrivée de la floraison est prédite avec toutes les ressources de la science moderne. Un ordinateur analyse les données recueillies sur un échantillon d’arbre, et les températures de l’hiver pour prédire la date de fleuraison. Une page spéciale du bulletin météorologique présente l’avancée du « front des fleurs » (桜前線) sur le pays. Celui-ci envahit le pays par le sud, et, de mars à avril, remonte les principales îles japonaises. Tokyo (東京)et Kyoto (京都) fleurissent en général dans les premiers jours d’avril. Dans le nord du Japon et les montagnes, la saison se prolonge jusqu’en mai. Les arbres peuvent rester fleuris une semaine au même endroit. Mais une pluie ou un vent fort perturbent parfois les calculs les mieux établis en faisant tomber soudainement tous les pétales. La plupart des arbres actuels appartiennent à la variété Somei Yoshino (染井吉野), mise au point à Toshima (豊島), un quartier de Tokyo, au 19e siècle. Tous identiques, les arbres fleurissent toujours au même moment.





Les plus anciennes chroniques du Japon mentionnent la contemplation des fleurs ou « hanami » (お花見). Les cerisiers en fleurs sont un loisir sérieux, et l’on ne conçoit pas un jardin ou un bâtiment public sans un arbre qui émerveillera le printemps venu. Les dilettantes se contentent d’une promenade dans le parc du quartier, ou mieux, dans un jardin ou un temple célèbre. Ceux-ci comptent parfois plusieurs milliers d’arbres, souvent éclairés la nuit, et de longues file d’attentent accablent les visiteurs qui souhaitent admirer un endroit connu. Le véritable amateur aura réservé plusieurs jours avant son emplacement sous les arbres en fleur à l’aide d’une feuille de plastique déposée sur le sol, et marquée de son nom et de l’horaire de sa venue, et réunira ses amis, ses collègues ou sa familles à l’heure dite pour une « fête sous les cerisiers » . Les jeunes salariés qui souhaitent prouver leur dévouement à l’entreprise se lèvent parfois à l’aube pour retenir le meilleur emplacement et y recevoir ses collègues

Le moindre carré de pelouse sous les arbres se retrouve envahi d’un peu poétique plastique bleu. L’atmosphère n’est pas contemplative, et les convives font honneur aux victuailles et alcools apportés pour l’occasion. De nombreuses boutiques vendent brochettes et boissons, dans une joyeuse atmosphère de kermesse. Un karaoké portable nasillard rajoutera une touche élégante à la fête, qui au bout de quelques heures et quelques dizaines de canettes de bière sera un florilège de blagues d’alcooliques et de rires gras . Le proverbe japonais ‘plutôt des gâteaux que des fleurs’ (花より団子) semble bien décrire la situation.

Si en Chine, la fleur de cerisier est le symbole de la féminité, les sakuras rappellent aux japonais la fragilité de la vie, et la douce nostalgie du temps qui passe (物の哀れ,). Les yakuzas (mafia japonaise) s’associent à ces fleurs qui rappellent leur existence brève et agitée, et ont souvent un tatouage à leur motif. Les pétales rosées étaient parfois peints sur les chasseurs de la seconde guerre mondiale. Les cerisiers sont en effet un symbole du Japon, et, à ce titre, ornent la pièce de 100 Yens. La diplomatie japonaise les a mis à contribution lors du double don d’arbres faits aux Etats-Unis en 1912 et 1965 pour célébrer l’amitié entre les deux pays. Les cerisiers ornent maintenant la région de Washington, et leur fleuraison y est un évènement local.

Les arbres de sakuras sont un cousin des cerisiers classiques (さくらんぼ), et ne portent pas de fruit. Les feuilles et pétales sont par contre conservées dans le sel pour servir de condiment. Ils apparaissent ainsi dans de nombreuses pâtisseries de saison modernes ou traditionnelles. Les sakura-mochi, un gâteau de riz entouré d’une feuille conservée dans le sel. se mange en particulier le jour des filles (3 mars). Comme tous les plats au Japon, il existe des variantes régionales : la feuille de sakura entoure ainsi une boule de riz dans la région de Kyoto, le kansai (関西), une crêpe roulée dans le Kanto (関東). Des infusions de sakuras (sakura-yu ) sont aussi servis aux jeunes mariés dans les mariages traditionnelle, la fleur étant de bon augure. Leur motif délicat orne aussi faïences et kimonos, et donne une touche printanière et fraîche à ces objets.

Le visiteur n’aura aucun mal à trouver des arbres en fleurs, tout parc ou bâtiment public en est pourvu. Une randonnée dans les montagnes à la bonne saison offrira au marcheur des arbres en fleurs dans un cadre somptueux. Nous pourrions écrire des pages sur les mérites relatifs des différents sites de Sakura. Les endroits suivants sont des valeurs sûres:

  • Le parc d’Ueno à Tokyo (上野公園) à proximité de la gare d’Ueno (上野駅) desservie par les trains JR ainsi que les métros ligne Hibiya (日比谷線) et Ginza (銀座線). Ce vaste parc, qui comprend aussi le musée national japonais, est envahi de promeneurs et de fêtards pendant la floraison.
  • Le parc d’Inokashira (井の頭公園) à proximité de la gare de Kichijoji (吉祥寺駅) desservie par la ligne JR Chuo (中央線) et Keio Inokashira (京王井の頭線). Ce charmant parc est situé dans une banlieue chic de Tokyo. Il est possible de faire une ballade sur le lac bordé d’arbres en fleur dans des pédalos en forme de cygne. Il se murmure que la déesse locale s’évertue à séparer les couples qui montent sur ces embarcations. Le promeneur superstitieux adaptera donc son itinéraire en fonction de ses désirs du moment.
  • Le parc de Shinjuku Gyoen (新宿御苑) à proximité de la gare de Shinjukugyoen-mae (新宿御苑前) desservie par la ligne de métro Marunouchi (丸ノ内線). L’entrée est payante (200 Yens, 1.20 Euro).
  • Les bords de la rivière meguro (目黒川) près de la gare de nakameguro (中目黒駅) desservie par les lignes Toyoko (東横線) de la compagnie Tokyu (東急) et la ligne Hibiya (日比谷線) du métro. Cette rivière étroite est entièrement recouverte de pétales pendant la saison. L’endroit est exigu, et peu adapté aux pique-niques.
  • Le temple de Kyomizudera (清水寺) à Kyoto situé à 20 minutes de marche de la station Gojo (五条) sur la ligne Keihan (京阪線). La superbe terrasse en bois du temple surplombe une mer de cerisiers avec une superbe vue sur toute la ville et des illuminations impressionantes le soir. L’entrée est payante (700 Yens, 4.20 Euros) , et le pique-nique n’est pas autorisé.

9 commentaires:

muuzen a dit…

Article très bien écrit :)
J'ai hâte de voir les cerisiers cette année

U a dit…

Bonjour,

merci pour ce commentaire sympathique. J'espère que vous profiterez bien des cerisiers au Japon. Je les ai vu fleurir dans le sud de la France dans l'indifférence la plus totale.

Anonyme a dit…

La pâtisserie est vraiment appétissante...

akaieric a dit…

Et c'est encore plus beau en vrai...
C'est vraiment un très bon moment le hanami... si on sait éviter la foule!
J'aimerais bien que cela existe aussi en France...

U a dit…

Je crois que le Hanami ne serait pas vraiment possible en France, à part peut-être dans le sud. Il fait beaucoup trop froid pour faire la fête dehors au moment où les arbres fleurissent.

Anonyme a dit…

Bonjour

je dois me rendre à osaka à la fin du mois
sauriez vous me dire si j'aurais la chance de voir les cericiers en fleur
merci

U a dit…

Bonjour,

comme la presque tous les ans, les cerisiers fleurissent autour du premier avril. La floraison dure une semaine. Il vous faudra aller dans les montagnes ou a Hokkaido pour esperer en voir encore a la fin du mois d'avril.

Le site suivant donne les previsions de floraison des cerisiers:

http://weather.yahoo.co.jp/weather/jp/leisure/sakura/

Anonyme a dit…

Je trouve la troisième photo absolument sublime...
Toutes mes félicitations!...

Dommage qu'on ne puisse pas les agrandir.

Bonne continuation pour ces articles tous aussi intéressants les uns que les autres.

U a dit…

Je vous présente mes excuses pour la taille des photographies, due à une contrainte technique.

La troisième photo a été prise sur les bords de la meguro-gawa à Tokyo.