mercredi 6 août 2008

Recevoir des japonais en France

Suite au court article du mois dernier proposant quelques conseils de courtoisie pour l’occidental au Japon, j’ai rassemblé des suggestions pour la situation inverse : la venue de vos relations japonaises personnelles ou professionnelles en occident. La situation est sans doute plus délicate que lors d’un voyage au Japon : il ne s’agit plus ici de simplement savoir écouter et s’adapter à l’environnement, mais vous devrez prendre les initiatives nécessaires pour que le voyage de vos hôtes soit une réussite.

Vous organiserez probablement un repas pour vos invités. Vous hésiterez peut-être entre recevoir chez vous et le restaurant. Un repas à votre domicile peut être une occasion de montrer que vous appréciez vraiment quelqu’un que vous connaissez déjà. Si vous habitez à la campagne, votre hôte sera très impressionné par la taille de votre jardin, car le terrain est cher partout au Japon. Vous lui expliquerez que le foncier n’est pas toujours onéreux en France, où l’on peut souvent acheter un hectare non-constructible pour quelques milliers d’euros.

Avec quelqu’un que vous connaissez peu, je crois que le restaurant est préférable. Les japonais invitent peu chez eux, et ont parfois des logements exigus qui rendent toute réception impossible. Ils pourraient donc être gêné de ne pouvoir vous rendre la pareil. Je crois qu’il est préférable d’éviter de choisir un restaurant japonais. Proposer à un étranger des mets de son propre pays est une faute de goût. Au contraire, un restaurant français typique et de qualité enchantera probablement vos hôtes. Je déconseille le choix d’une table étrangère, les grandes villes japonaises étant souvent mieux dotées en la matière que la France. Les cuisines marocaines et surtout libanaises peuvent cependant être un bon choix car elles ne sont pas très connues au Japon, et il existe d’excellents établissements en France. Par contre, si votre hôte est ici depuis plusieurs jours, et qu’il a déjà enchaîné les repas locaux, il est possible qu’il souhaite « reposer » son estomac avec un repas japonais, et il fera alors probablement des allusions dans ce sens. Vous prendrez garde alors à choisir une vraie table japonaise, pas le restaurant sushi-brochettes de poulet du quartier. Les forums internet sur le Japon ont en général des informations à jour sur les bonnes tables japonaises. Elles sont malheureusement rares en province, mais si vous êtes à Paris, le quartier de la rue Saint-Anne près de l’Opéra rassemble des établissements authentiques de tous standings.

Les japonais sont souvent fin gourmets, vous devrez donc choisir une maison de qualité. Vous ne devez pas être effrayé de choisir une maison réputée et sans surprise. Celle-ci est préférable à un « bon plan » incertain ou un endroit à la mode où les paillettes brillent parfois au dépend de la fourchette. Les japonais apprécieront un beau cadre typique, par exemple une belle salle de brasserie historique, car cela est rare chez eux. A Paris, des endroits comme la Coupole ou le Train Bleu impressionneront. La Brasserie George à Lyon ou la Brasserie des Beaux-Arts à Toulouse seront un cadre inoubliable pour vos invités.

Si vos hôtes seront probablement curieux en gastronomie, ils ne souhaiteront peut-être pas essayer les plats trop typiques de la cuisine française, telle que tripes, tête de veau ou andouillette, et préfèreront une viande ou un poisson plus classique. C’est assez surprenant, mais la plupart des japonais ne mangent pas les huitres crues. Les viandes fortes, telles que le gibier, l’agneau ou le chevreau ne sont pas appréciées de tous, il conviendra donc de s’assurer que la carte du restaurant propose aussi du bœuf, du porc ou de la volaille. Certains japonais ne peuvent se passer de riz, vous pourrez préférer un établissement qui sert au moins un plat avec du riz. Beaucoup d’hommes n’apprécient pas le vin, il est donc souhaitable de choisir un endroit où un repas à la bière ne choquera pas. Les fromages sont diversement appréciés, vous pouvez en proposer, mais n’insistez pas si votre invité s’abstient. En particulier, les fromages de chêvre et de brebis sont parfois trop exotiques pour les palais nippons.


Vous réserverez le restaurant à l’avance, il serait malvenu de ne pas trouver une table à votre arrivée. Si votre hôte arrive juste du Japon, il sera préférable de diner très tôt car celui-ci sera fatigué par le décallage horaire. Il ne sera pas choqué si vous vous mettez à table à 19h ou même un peu plus tôt, ce qui est courant au Japon. Il sera poli le jour-même de vous assurer que votre invité peut se rendre sur les lieux. Le mieux serait d’aller le chercher à son hôtel, ou de l’emmener dès la sortie du bureau. Celui-ci ne parlera pas forcément très bien anglais, sans doute pas français, et pourra être effrayé de prendre le métro ou le taxi tout seul. Si cela n’est pas possible, vous pourrez effectuer la réservation d’un taxi et indiquer sur une carte l’adresse finale, ou encore acheter un ticket de métro à votre hôte, et lui expliquer l’itinéraire. Une fois arrivé au restaurant, vous veillerez à expliquer les plats à vos invités, nos chefs ont souvent des formulations obscures pour leurs mets : une simple entrecôte purée se transforme parfois en un poème surréaliste sur le menu. Vous pouvez aussi, si votre invité le désire, lui choisir un menu vous-même en vous assurant que celui-ci lui convient. Vous expliquerez aussi à votre invite la coutûme française de manger des plats se succédant, alors qu’ils sont souvent servis ensemble au Japon. Les portions sont plus petites au Japon, vous ne vous offusquerez donc pas si votre invité n’arrive pas à terminer les plats. Certains hommes japonais apprécient peu les desserts, alors que les femmes en rafolent en général. Dans tous les cas, vous demanderez à vos invités s’ils souhaitent terminer sur une douceur ou passer directement au café. Vous veillerez à ce que le verre de vin de votre hôte soit toujours rempli, ou commanderez de nouveaux bocs de bière. Les japonais ne connaissent pas la rêgle française voulant que l’on n’offre pas d’eau, vous pouvez également remplir le verre d’eau de votre invité.

Vous devrez assurer pendant tout le repas une conversation agréable en vous adoptant à la personnalité de votre interlocuteur: si vous lui connaissez un centre d’intérêt, vous pouvez lancer la conversation sur le sujet. Il est aussi possible de lui poser des questions sur le Japon, pour lui montrer que vous vous intéressez à son pays. Vous pourrez également lui expliquer rapidement l’histoire de la ville où vous vous trouvez, et les visites intéressantes s’il a un peu de temps libre. Il est tout à fait acceptable de discuter du travail, mais cela ne devra pas être le premier sujet de conversation du repas. Votre hôte aura probablement beaucoup plus de liberté de conversation qu’en service pour aborder son travail. Dans tous les cas, vous veillerez à laisser parler votre invité, et à ne pas trop tenter de l’impressioner par votre intelligence et votre culture, ce qui serait considéré comme vulgaire. Vous émettrez aussi des jugements ou des opinions avec une certaine réserve, et accepterez évidemment que le point de vue de votre hôte est peut-être aussi valable que le votre. Dans le cas où vous invitez une personne du sexe opposé pour un repas d’affaire, je déconseille fortement les attitudes ambigues qui peuvent ressembler à de la drague, ce qui pourra mettre votre hôte très mal à l’aise. Si vous avez quelques vues, vous impressionnerez de toute façon plus en étant légèrement distant. Vous aimerez peut-être savoir que c’est souvent la femme qui, par des allusions subtiles, signale son envie d’aller plus loin.

Un petit cadeau personnel fera très plaisir, cela est courant au Japon. Vous pouvez offrir un beau stylo, ou un produit d’épicerie fine, comme une boite de foie-gras ou de tapenade. Une bonne bouteille fera toujours plaisir, et là encore, n’ayez pas peur des classiques. L’emballage aura au moins autant d’importance que le contenu. Je pense qu’il vaut mieux éviter d’offrir une cravate, mais si vous y tenez vraiment, choisissez des couleurs sobres et classiques. Une femme appréciera toujours de bonnes confitures ou chocolats. A la fin du repas, il n’est évidemment pas question de partager la note, ni de vanter son importance. Vous vous lèverez pour aller aux toilettes à la fin du repas et vous paierez discrètement au comptoir. Après le repas, si votre invité a encore de l’énergie, vous pourrez l’emmener boire un verre dans un endroit confortable, par exemple un bar d’hôtel. Cela correspondra au principe de la « nijikai » japonaise, et sera un moment privilégié pour les confidences. La soirée terminée, vous vous assurerez que votre hôte japonais rentre bien à son hôtel en le réaccompagnant ou au moins en indiquant au taxi l’adresse de destination.


Vous aurez peut-être à organiser un peu de tourisme pour vos connaissances japonaises : ceux-ci souhaiterons sans doute voir les sites touristiques classiques, et seront souvent très bien renseignés. Ne soyez pas surpris s’ils vous demandent d’aller à Eze, Rocamadour ou Pérouges. Vous pouvez aussi leur faire passer un moment très agréable en les emmenant prendre l’apéritif à la terrasse d’un café typique. Une visite au marché est aussi une bonne idée car ceux-ci sont rares au Japon. Vous pouvez aussi ravir vos invités en les emmenant dans un bel endroit à la campagne : ils seront impressionnés par les grands espaces et les animaux dans les champs. Dans tous les cas, vos hôtes souhaiteront trouver des souvenirs pour leurs amis et leurs relations : prévoyez donc une visite dans une boutique adéquate, artisanat ou spécialités locales, avec suffisament de temps pour qu’ils puissent faire leurs achats.

Cet article termine une petite série de conseils de savoir-vivre, mais aussi sur le travail avec les japonais. Ceux-ci sont évidemment des généralités, mais je pense qu’elles peuvent être utiles dans la plupart des situations. D’autres auront des expériences distinctes de la mienne, et vous offriront des recommandations légèrement différentes. Vous gagnerez évidemment à prendre plusieurs avis sur un sujet. Dans tous les cas, vous devre vous adapter à la situation en utilisant au mieux votre sensibilité et votre bon sens.

15 commentaires:

Anonyme a dit…

Magnifique

http://www.japoninfos.com/

Anonyme a dit…

Je te lis régulièrement et j'aime beaucoup tes articles qui donnent autant d'info. J'espère encore pouvoir te lire, bonne continuation. ;)

Anonyme a dit…

Félicitations pour tes articles que j'apprécie pour le soin que tu apportes à leur rédaction et pour leur précision dans les détails. L'objectivité est également appréciable. Je ne peux que t'encourager pour continuer à partager tes expériences.

U a dit…

Merci pour vos commentaires encourageants. N'hésitez pas à signaler aussi les points sur lesquels les articles vous semblent inexacts.

Dvorah a dit…

Ben justement... Tu as mis presque sous ta première photo :
"Si vous habitez à la campagne, votre hôte sera très impressionné par la taille de votre jardin, car le terrain est cher partout au Japon. Vous lui expliquerez que le foncier n’est pas toujours onéreux en France, où l’on peut souvent acheter un hectare non-constructible pour quelques milliers d’euros."
As-tu une idée du prix du mètre carré à Eze-sur-mer (village photographié)? Beaucoup de coins au Japon doivent être plus abordables !
Cordialement

U a dit…

Bonjour Dvorah,

tu as parfaitement raison de noter que le terrain à Eze est très cher, ce qui est normal pour un des plus beaux endroits de la Côte d'Azur.

Toutefois, il existe de nombreux endroits en France où l'on peut réellement acheter un hectare de terrain NON constructible pour quelques milliers d'euros. J'ai déjà vu des japonais, pourtant plutôt fortunés, se sentir presque humiliés à la vue d'un jardin d'un hectare, alors que le terrain n'avait presque rien couté. Je crois qu'au Japon, même à la "campagne", le terrain reste très cher.

Zavier0 a dit…

Très très bien. Moi j'ai une autre version d'un directeur régional de la CCIFJ. C'était plutôt putes et piccole pour recevoir une délégation de Japonais. Comme quoi il n'y a pas UNE façon de recevoir.

U a dit…

@XavierGilles: Il est certain que l'on ne reçoit pas des japonais durant un voyage d'affaire à l'eau minérale.

Toutefois, je serais plus prudent sur la deuxième partie du programme. Si les visites au Japon comportent parfois des visites dans les bars à hôtesses, ces établissements ne proposent pas de services sexuels. Je n'ai jamais entendu parler de soirées d'affaires avec des japonais se terminant par une visite dans une maison close.

Je serais ravi d'avoir d'autres témoignages sur le sujet.

Roger Moore a dit…

Uchumizu, je pense en effet que xaviergilles exagère beaucoup et comme tu le dis, éventuellement les japonais iront dans un kyabakura (cabaret club) qui ne proposent en aucun cas des services sexuels. Ce concept est souvent difficile à saisir pour des français car on paye une fortune dans ces clubs juste pour avoir une ou des femmes que l'ont peut choisir (shimei) qui nous feront des compliments et nous servirons de l'alcool. (beaucoup d'hommes influents ont des maîtresses dans ces clubs qu'ils entretiennent financièrement.)

bref, mis à part ça concernant le prix du terrain tu as tout à fait raison (surtout quand tu insistes sur non constructibe) au japon les terrains sont chers. Cependant les japonais qui connaissent la France pour avoir été expatrié sont conscients des prix des résidences secondaires et notamment des châteaux qui ont connus un vif succès chez les personnes aisées dans les années 80 90.

J'ai trouvé cet article et les autres très intéressants plein d'humilité et je dirai même très "japonais" plutôt que les discours souvent d'anthropologues. Bravo et bonne continuation! (l'article sur le travail va bcp m'aider par la suite)

Zavier0 a dit…

Souvent après le travail en effet c'est le snack ou le kabakura (il y en a pour toutes les bourses par ailleurs), surtout si on est célibataire.

Mais après la signature d'un contrat, c'est parfois plus. Bar top-less où il n'y a pas que les yeux qui peuvent toucher. Par exemple.

Le type de la CCIFJ a passé les 60 piges, donc son anédocte peut dater. Moi, ça ne me surprend absolument pas.


Il serait idiot d'en faire une généralité, mais c'était juste pour contre-balancer le ton d'un post, bien foutu, qui sonne comme un guide de scoutisme.

Roger Moore a dit…

@Xaviergilles tout d'abord désolé pour le ton de chef scout; mon but n'était pas d'imposer mon idée et encore moins de te contredire.

Dans ton post comme tu parlais de putes ie: fuzoku en japonais, je me suis dit que tu faisais allusion à des cadres qui allaient se rendre dans un soapland ou un imekura pour négocier des contrats et là ça m'étonnerai. Bar top-less , kyabkura etc..par contre ça ne m'étonne pas du tout!

Unknown a dit…

Salut

J'ai beaucoup apprecie tes articles, ils sontbien ecrits, tres instructifs, utiles. J'aime bien le ton que tu utilises, sobre et sans chercher a bourrer d'anecdotes. Finalement, je trouve aussi que c'est un angle assez japonais :)
Bonne continuation

Anonyme a dit…

blog très intéressant qui n'est pas centriste, comme souvent les anthropologues et sociologues parlant d'autres contrès ont tendance à l'être... il est agréable d'avoir le point de vu des japonais sur nos travers d'occidentaux qui peuvent parfois se révéler horripilant pour eux... comme je les comprends ^^
Je me posais la question, lorsqu'on reçoit des japonais, amis ou relations plus professionnelles ou associatives, si l'on est une femme. Les convives japonais, si ce sont principalement des hommes risquent t'ils d'être gênés si on paie l'addition lorsqu'on a initié l'invitation du restaurant ? ou cela ne pose t'il pas de problème ?
qu'en est'il de la porte, peut on ouvrir la porte à ses amis japonais, hommes ou femmes ?
(j'ai fait un impair avec des latins d'amérique du sud, qui se sont sentis rabaissés devant leurs pairs parce que j'avais payé le restaurant et qu'en plus, lorsque je suis la première à arriver à une porte, en général je l'ouvre et la tiens pour les gens qui me suivent peu importe leur sexe, en amérique du sud, ces deux actions constituent un impair et transmettent le message que les hommes ne sont pas virils... :/ oups*)

U a dit…

Bonsoir Anonyme,

à ma connaissance, les hommes japonais considèrent les femmes étrangères comme des "mecs comme les autres", et seront parfois un peu impressionnés et timides.

Ils ne s'attendent pas du tout à ce que vous vous comportiez comme une femme japonaise. Vous pouvez donc rester naturelle.

Unknown a dit…

Bonsoir je travaille pour un grand constructeur automobile japonais (Toyota) pour ne pas le citer et je compte inviter un cadre (manager) expatrié du Japon pendant 3 ans nous n’avons aucun lien hiérarchique mais nous nous sommes tellement aidé mutuellement (et aussi avec l’aide de l’interprète mis à notre disposition) que je voudrais l’inviter à la maison avec femme et enfants et avec l’interprète cela va sans dire.
Si vous pouvez me donner quelques conseils en sachant que l’interprète m’a déjà beaucoup aidé.
Cordialement