Le Japon a une réputation bien justifiée de traditions complexes et de savoir-vivre subtil. Les occidentaux en voyage privés ou d’affaire sont souvent effrayés à l’idée de commettre par ignorance un sacrilège irréparable. Il est inutile de s’alarmer, car les japonais sont tolérants envers les étrangers qui commettent des impairs. La connaissance des principales coutumes vous épargnera des surprises, mais il n’est pas nécessaire de maîtriser toutes les règles sociales. Le plus important est d’adopter une attitude ouverte et de montrer du respect pour les individus et les coutumes du pays.
Les bonnes manières visent à rendre la vie en société plus facile, en évitant les conflits inutiles, et en s’assurant que l’on n’importune pas autrui. La première des prévenances est l’hygiène corporelle et la tenue. Le conseil d’un professeur d’anglais avant l’oral du baccalauréat était de « prendre une douche le matin et se laver les dents avant l’épreuve », et il avait parfaitement raison. Ceci s’applique particulièrement au Japon en été, où la chaleur humide rend la promiscuité difficile. Signalons aussi qu’il est impoli au Japon de se moucher en public, et que cet acte se pratique dans les toilettes. Il est par contre toléré de renifler jusqu’à ce que l’on puisse se vider les narines discrètement.
Il convient également d’avoir une tenue adaptée à la circonstance. L’internationalisation des habitudes vestimentaires facilite la chose. Les entreprises japonaises et les cérémonies sont toutefois souvent plus « habillées » que leurs équivalents occidentaux. Un costume cravate ou un tailleur de couleur sobre fera parfaitement l’affaire. Le « casual Friday » n’est pas répandu partout, vous vous renseignerez avant de prendre cette initiative. Dans les milieux universitaires ou de recherche, un tenue sport, pantalon de coton et chemise ou polo, sera souvent parfaitement acceptable. Entre étudiants ou le week-end, n’importe quelle tenue propre sera tolérée, mais, là encore, la sobriété permettra de passer partout.
Etre courtois, c’est aussi respecter les règles, qui sont souvent plus strictes qu’en France. Il sera donc malvenu d’allumer une cigarette dans une zone non fumeur, de téléphoner dans une zone « silencieuse », de traverser au feu rouge, ou de doubler dans une queue. Si vos interlocuteurs japonais vous font une remarque sur une coutume ou un usage mineur, vous montrerez votre faculté d’adaptation et votre modestie en vous excusant et en vous y pliant sans chercher à discuter le bien-fondé de la pratique. C’est aussi comme cela que vous assimilerez les manières locales. Vos contestations se heurteront souvent à un « C’est comme cela au Japon » qui gênera vos interlocuteurs, et vous mettra mal à l’aise. Le respect des règles est aussi de rigueur dans le seul domaine où l’on risque à tout instant de tuer : la conduite automobile. Le code de la route est le premier livre de savoir-vivre. Notons qu’au Japon, les vélos roulent sur les trottoirs. La prudence est de rigueur pour piétons et cyclistes. L’exactitude est la politesse des rois, et cela s’applique aussi dans l’archipel, où l’on ne tolère pas le « quart d’heure gaulois », que ce soit en affaires ou dans le privé. Vous serez bien avisé de construire un emploi du temps réaliste pour votre séjour qui vous permettra une ponctualité parfaite.
Dans tous les pays, un honnête homme sait écouter. Les français ont pourtant parfois le réflexe d’interrompre pour montrer leur intelligence par une remarque pleine d’esprit. Cette attitude est considérée à juste titre comme insupportable au Japon, mais aussi dans la plupart des pays anglo-saxons, vous devrez donc résister à cette tentation. Les japonais ne maîtrisent pas tous l’anglais ou le français couramment. Si vous ne parlez pas japonais, vous devrez être patient dans vos conversations en langues étrangères, car vos interlocuteurs auront sans doute du mal à exprimer leurs idées. Vous veillerez à une diction lente et claire, en évitant les expressions imagées qui peuvent troubler vos interlocuteurs. Préférez « Nous aurons bientôt résolu ce problème » à « Nous voyons le bout du tunnel », ou « Rough estimate » à « Ball-park figure ». L’humour supporte mal la traduction, il est plus sage de se contenter de plaisanteries simples. Evitez surtout les propos graveleux, en tout cas quand tout le monde est sobre ou quand des femmes sont présentes. Vous devrez vous garder du sentiment de surpuissance que vous donneront peut-être votre maîtrise de l’anglais, la flatterie de vos interlocuteurs japonais, ou même vos cheveux blonds et votre grande taille, et évitez de vous vanter, ce qui est particulièrement vulgaire.
Lors de conversations privées, les sujets polémiques sont à éviter à tout prix, surtout si vous pensez avoir raison. Il n’est pas très intelligent de débattre, même parfois avec des intimes, des crimes de la seconde guerre mondiale, de la pêche à la baleine ou des mœurs honteuses de certains marginaux, décrites souvent de façon inexacte dans les médias occidentaux. Même si votre point de vue était correct, personne n’aime recevoir de leçons d’un étranger. Cela vaut pour tous les pays, mais particulièrement au Japon, où l’harmonie sociale est valorisée. On vous répondra souvent par un silence gêné. Certains interlocuteurs accepteront toutefois la polémique. Vous pourriez bien être surpris par les arguments avancés, et vous retrouver en difficulté. Dans la plupart des domaines, l’Occident n’a pas de leçons à donner. Vous aurez des conversations plus agréables en demandant à vos hôtes de vous expliquer un aspect du Japon. Vous aurez appris quelque chose, et l’on sera ravi que vous vous intéressiez au pays.
Notre discours jusqu’à présent n’était pas spécifique au Japon, mais la connaissance de quelques mœurs du pays vous évitera les plus gros impairs. La première règle à laquelle les japonais ne feront jamais exception est d’enlever ses chaussures dans une habitation, mais aussi dans certains lieux à usage collectifs, comme temples ou vestiaires d’équipements sportifs, ainsi que certains restaurants. Les lieux interdits aux chaussures sont toujours surélevés. Dans le doute, renseignez vous. Un « shoes OK ? » en montrant vos chaussures sera compris partout. Même pour un rendez-vous d’affaires, vous pourriez aller à un restaurant qui impose le déchaussage, et vous devez donc porter en permanence des chaussettes propres et sans trou. Des mocassins sont plus agréables, mais personne ne vous tiendra rigueur de garder vos chaussures à lacet.
Si vous êtes reçu dans une habitation, ou si vous fréquentez un bain collectif, il convient de suivre l’usage de la toilette japonaise : on se savonne vigoureusement dans une douche en dehors du bain, et l’on se rince complètement avant d’entrer dans la baignoire. Il ne faut surtout pas vider l’eau après son bain, car elle sera utilisée plusieurs fois dans la journée. Cela ne s’applique évidemment pas à votre baignoire personnelle dans votre chambre d’hôtel « occidental » où vous pourrez faire mousser à loisir.
Le repas, lieu de socialisation est celui de toutes les craintes pour qui se veut gentleman. Mais là encore, des règles simples permettent de faire bonne figure. Les japonais mangent avec des baguettes, mais comprennent parfaitement que les étrangers ne maîtrisent pas forcément ces couverts. Il est toutefois préférable d’essayer de manger avec les baguettes, même si les débuts sont héroïques. D’une façon générale, les japonais apprécient plus l’effort qui est fait, le fameux « gambaru » (がんばる) ou « faire de son mieux », que le résultat final. Demandez conseil à vos interlocuteurs japonais, et si vous n’y arrivez vraiment pas, vous pourrez obtenir des couverts occidentaux, disponibles a peu près partout, en suggérant que comme cela, vous retarderez moins le repas. Il est interdit de passer la nourriture entre vos baguettes et celles d’un autre convive. Ce geste rappelle le rite de l’enterrement quand les membres de la famille font passer les os du défunt de personne en personne avec des baguettes, et c’est évidemment de mauvais augure. Le riz se mange blanc sans ajout de sauce, mais vous pouvez demander du « furikake », un assortiment de condiments, pour relever le riz s’il vous semble trop fade. Vous remercierez chaleureusement vos hôtes à la fin du repas. Vos hôtes japonais paieront sans doute votre repas, mais il est de bon ton de s'enquérir quand même de l'addition.
Il est parfaitement acceptable d’avoir des interdits alimentaires, et vous pouvez les exposer clairement à vos hôtes japonais qui essaieront d’adapter le programme en conséquence. Il est toujours préférable de prévenir à l’avance et discrètement. Les plats japonais qui étonnent le plus sont les poissons crus : sushis et sashimis. Si vous ne voulez pas en déguster, vous pouvez toujours prétexter une contre-indication médicale. Il est de bon ton de goûter la cuisine locale. A part les sushis et sashimis, la plupart de la cuisine japonaise est en fait très accessible, puisqu’elle consiste en des poissons, viandes et de légumes cuits dans une sauce sucrée-salée à base de sauce de soja (醤油, Shoyu). Vous n’êtes pas obligé de tout aimer. Des plats comme le natto (納豆) du soja fermenté filandreux avec une odeur de fromage, répugnent à de nombreux japonais, mais, là encore, votre bonne volonté sera appréciée de vos hôtes. La sociabilité au Japon est basée sur l’alcool, et il est fortement conseillé de prendre part aux toasts. Vos voisins se chargeront de remplir votre verre. Si vous souhaitez limiter votre consommation, laissez simplement votre verre plein, et goûtez l’alcool du bout des lèvres, en commandant un verre d’eau en complément. On vous sera gré d’avoir sauvegardé les apparences.
L’échanges de cadeaux est courant. Un petit souvenir fera toujours plaisir, et il n’est jamais inconvenant d’offrir des présents de quelques euros. Une petite boîte de sablés bretons ou même un bon vin de pays fera plaisir à vos hôtes d’un soir. On essaiera autant que possible d’avoir un emballage et une boîte élégante. Une marque sera toujours appréciée. Il est mal vu de vanter ses cadeaux, mais vous pouvez répondre aux questions sur l’origine du produit. Lorsque vous recevrez à votre tour un souvenir, il sera préférable de demander l’autorisation avant de défaire le paquet : la coutume japonaise est en effet de ne pas ouvrir le cadeau en présence de la personne qui l’a offert, pour ne pas embarrasser l’auteur d’un présent modeste. Tout cadeau reçu mérite un rendu de la moitié de la valeur, mais celui-ci peut avoir lieu beaucoup plus tard, lors de votre prochain voyage par exemple. Lors des mariages, on offre de l’argent dans une enveloppe prévue à cet effet, disponible partout, avec un nombre de billets impairs. Si la personne n’est pas un proche, 30.000 Yens (185 Euros) , ou même 15.000 Yens (93 Euros), sont suffisants. On donne l’enveloppe à la réception à l’entrée de la salle de banquet. Si vous visitez un malade, il est de bon ton d'amener aussi un petit cadeau, mais les plantes en pot sont à proscrire: ce sont des nids à bactérie et elles augurent d’un long séjour où le patient finira par « prendre racine » à l’hôpital.
Mentionnons aussi que la politesse japonaise est organisée autour du « gentlemen first ». Les femmes occidentales ne devront pas s’offusquer de passer derrière les hommes dans certaines préséances. Les hommes occidentaux devront parfois accepter de passer devant les femmes japonaises. Une bonne rêgle de conduite est probablement de proposer la préséance aux femmes japonaise, qui l’accepteront parfois avec plaisir. Si elles refusent plusieurs fois, l’homme devra passer devant pour éviter de voir les politesses se prolonger pendant plusieurs minutes, et de gêner une femme japonaise pudique.